Photos: Sédrik Nemeth
A la Fête des vignerons, c’est leur vigneron qui était le Roi: il s’appelle Jean-Daniel Berthet et il a parcouru les rues de Vevey en majesté, couronné, heureux. Heureux et fiers dans les arènes et ses alentours, ses employeurs, les Massy le sont aussi. Luc, le père, en Conseiller, Gregory et Benjamin, ses deux fils, en Cent Suisses, mais aussi leurs amies et épouse: tous ont participé à la fête. Un tourbillon joyeux qui leur a valu les honneurs de la presse et les bonheurs de voir célébrés les métiers de la vigne dont ils sont parmi les garants et les transmetteurs.
Héritiers d’une lignée de vignerons établis à Epesses, Luc (67 ans), Grégory (37 ans) et Benjamin (35 ans) ont poursuivi sur la vague festive de l’été et ébloui les hôtes de la GaultMillau Garden Party, à Bad Ragaz, avec leurs crus ciselés à la typicité exquise et à l’équilibre idéal. Des vins emblématiques, le Clos du Boux, le Dézaley Chemin de Fer, le Dézaley Chemin de Terre : des crus qui racontent le Pays de Vaud et Lavaux et qui ont donné la réplique avec brio aux mets exquis apprêtés par les plus grands chefs helvétiques, Giovannini, de Courten, Caminada en tête.
100 ans. Maintenant que la saison des vendanges s’annonce, ils ont une autre raison de fêter: les 100 ans de présence de leur famille au Clos du Boux, une magnifique maison vigneronne datant de 1630 qui domine le vignoble, le village, et le Léman, à Epesses. C’est là qu’ils ouvrent les imposantes portes de leur cave plusieurs fois centenaire ce samedi. Ces portes arborent, pyrogravé, le portrait de l’ancêtre, Albert, qui a fondé le domaine familial. Et quand Luc, Grégory ou Benjamin passent devant cette porte, on ne peut que constater qu’il y a bien plus qu’un air de famille entre le regard d’aigle de l’arrière-grand-père et celui de ses descendants: un œil vif, perçant, explorateur.
Explorateurs, les Massy le sont de père en fils. Originaire de la vallée de Joux où il vivait de la sylviculture en été et de la fabrication de pivots d’horlogerie en hiver, Albert était parti s’occuper des comptoirs anglais en Sierra Leone. Et il y serait sans doute resté, s’il n’y avait eu le paludisme pour le faire rentrer. De retour en Suisse, il cherche un emploi et c’est à Epesses qu’il le trouve, chez les Fonjallaz, une famille de vignerons qui l’engage comme comptable. Mais aventurier il était et aventurier il est resté. Aussitôt marié, il a acheté une vigne et il a commencé à la développer.
Son projet s’est depuis lors épanoui entre les mains de trois nouvelles générations de Massy. Aujourd’hui, ils exploitent 10 hectares de vignes. Le pipeline en bois qui reliait autrefois le pressoir serti dans les vignes à la cave, en contrebas dans le village, a cédé la place à un outil de production moderne, qui permet de tout maîtriser, «de la terre jusqu’au verre», comme le formule si bien Luc. Œufs en béton dernier cri et foudre à l’ancienne portant les médailles remportées par les vins du domaine au XIXe siècle témoignent à la fois d’un ancrage historique et d’un souci constant de devancer les modes.
Goût du voyage. Mais avant de reprendre et de moderniser le domaine depuis 1977, Luc avait, comme son grand-père, a commencé par sillonner le monde. Du Maroc à la Californie en passant par l’Argentine et l’Australie, il s’est ainsi forgé un solide bagage pour affronter les défis de la viticulture moderne. Comme ses deux fils cette année, il avait endossé les habits de Cent Suisses à la Fête des vignerons de 1977 et de 1999. A l’évidence, chez les Massy, les valeurs se transmettent d’une génération à l’autre: la discipline, le sport, le voyage, mais aussi la créativité et la vision d’avenir.
Au Clos du Boux, on travaille en production intégrée depuis vingt ans. Dès 2020, le domaine sera exempt de désherbant. Et, très tôt, Luc a réalisé qu’«il faut miser sur la valeur ajoutée pour poursuivre. Car ceux qui ne l’ont pas compris ont tous disparu: en 1980, il y avait 29 pressoirs à Epesses, aujourd’hui il en reste 11.» Dont celui des Massy.
Longueur d’avance. Evidemment, les Massy avaient pris une longueur d’avance avec le fameux Dézaley Chemin de Fer, qui porte ce nom parce que les vignes qui servent à le produire poussent sur une parcelle voisine de la ligne du Simplon. Un nom prédestiné, puisque ce vin a très vite connu le succès bien au-delà de la région, en Suisse alémanique d’abord, et plus récemment jusqu’au Japon et en Chine, où les Massy ont accompagné un autre explorateur, Pierre Keller, président de l’Office des vins vaudois.
La qualité, les Massy la défendent aussi en tant que membres de la Baronnie du Dézaley, le groupement de viticulteurs qui fait rayonner cette appellation en Suisse et dans le monde. Au-delà du chasselas, le Clos du Boux produit aujourd’hui un florilège de cépages: «Le merlot se porte de mieux en mieux, par exemple», constate Benjamin, qui s’occupe de la cave depuis 2012. C’est lui qui, avec son frère Gregory, l’aîné qui a rejoint l’entreprise familiale en 2017 après avoir exploré le monde du voyage et de la gestion, est en train de reprendre le domaine qui jouxte le Rio de l’Enfer, à Epesses. Ce samedi, ils vous attendent pour les portes ouvertes du centenaire, à l’ombre du châtaignier. Puis ils envisageront l’avenir avec le sens entrepreneurial et la détermination de leurs ancêtres. Car père et fils s’accordent pour dire qu’«il y aura toujours des femmes à marier et des vignes à acheter».
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Clos du Boux
Route de la Corniche 11
1098 Epesses
021 799 21 47
Portes ouvertes
Samedi 21 septembre de 11h à 17h
Dégustation, raclette et musique au programme.