Texte: Knut Schwander
Historique et glamour. En 1912, le 49 rue du Rhône abritait la Bavaria, devenue ensuite Relais de l’Entrecôte et Marjolaine, avant de fermer pour travaux. L'élégante arcade appartient désormais à un célèbre horloger, François-Paul Journe, qui a choisi de donner son nom au lieu. Champion des mouvements de haute complication, il est aussi épris de gastronomie fine. Dans son restaurant historique aux magnifiques boiseries et aux banquettes de velours, il tenait tout naturellement à proposer une cuisine qui réponde à ses exigences, élevées. Pour la réaliser, il a engagé une star, Dominique Gauthier, le Cuisinier de l’année du GaultMillau 2009. Ce dernier a d'ailleurs retrouvé ici un compagnon de route du Beau-Rivage: Pascal Brault, directeur de salle de haut vol, entouré ici d’une jeune brigade enthousiaste et bien huilée. Mention spéciale pour le sommelier, Bogdan Thand, qui associe avec adresse crus insolite et plats hyper-gourmands. (Grande photo ci-dessus: Dominique Gauthier et les scampis en kadaïf.)
On applaudit d’emblée! Le menu inaugural commence par la raviole de lièvre à la truffe blanche et châtaigne. Un modèle d’onctuosité voluptueuse. Inutile de tenter de résister à la brioche feuilletée sublime ou aux minis pains aux olives. Ce serait une hérésie, tant ils sont bons. Mais voici qu’arrive le saumon couronné de caviar et fouetté d’une pointe de yuzu. Le tout est entouré d’un beurre blanc impeccable et aérien. Alors on enchaîne avec le homard breton. Dans une élégante assiette anthracite, il est juché sur un lit de champignons baignés d’une émulsion au basilic thaï. «Bienvenue dans ma modeste brasserie», lance Dominique Gauthier. Modeste? On a vu des établissements qui le sont plus. Mais plus rarement, des restaurants où la tradition est interprétée avec plus de talent.
Perfection horlogère. Pour couper la volaille du Nant d’Avril, les couteaux sont superbes, avec leur manche incrustés de pièces de mouvements horlogers. Car, où que l’on porte son regard, les références au monde de l'horlogerie jalonnent ces lieux. Une somptueuse horloge ancienne attend encore d’être réparée pour donner le tempo. De grands panneaux muraux représentent des mouvements de montres exceptionnelles, les nappages portent le nom du restaurant, chaque table est nommée d’après un horloger célèbre, même le parfum d’ambiance est griffé J.P. Journe. Mais revenons à l’exceptionnelle volaille: à la chair tendrissime répond la peau, farcie en mode demi-deuil et un merveilleux mille-feuille de pomme de terre à la truffe. Ce plat somptueux précède un délicieux dessert au chocolat aérien. Et pour terminer, les originaux chocolats anis-cardamone et cannelle-piment d’Espelette, précèdent un mini Paris-Brest et un financier au yuzu. On ajoutera que le rapport qualité-prix est remarquable.