Découverte insolite. Une imposante racine et son tronc accueillent les visiteurs du nouveau restaurant Racine, installé à l’hôtel Bon Rivage à La Tour-de-Peilz et ouvert ce mardi 8 avril. Et ce n’est pas la seule folie végétale que le nouveau chef Jérémie Cordier a souhaité pour rendre l’expérience unique. Des bottes de paille attendent les clients à l’entrée. Le porche est placardé de bois flotté. A table, la carte est cachée sous un amas de cailloux, de foin, de branches et d'écorce. On connaissait le chef pour sa cuisine sauvage, on le découvre un peu plus loin sur ce sentier. Une avance qu'il doit à une personne en particulier.
Jérémie Cordier et Vincent Ojea, directeur de salle au restaurant Racine de l'hôtel Bon-Rivage à La Tour-de-Peilz.
Renouveau. «Cela fait un moment que je ne m’amusais plus tant en F&B, et sur ce point-là, l’arrivée de Jérémie m’a redonné un vrai élan, sourit Marie Forestier, directrice du vénérable hôtel du bord du lac. J’apprécie la démarche de Jérémie et je me réjouis de voir jusqu’où il peut aller. Déjà, qui oserait poser une immense racine au milieu de son restaurant?» Mais quid de la cuisine?
Une racine au cœur d'un restaurant? Il fallait oser!
Les amuses-bouche sont disposés sur une grosse écorce.
La betterave et son cœur de stracciatella.
Beurre au popcorn. À la lecture des cinq menus (de trois à sept plats), on entre immédiatement dans l'univers sylvestre du chef. Après les trois amuse-bouche, le pain signé Bread Store et les deux beurres (le vache est fumé et le brebis au popcorn), place à la truite fumée et son asperge blanche déposée sur une mayonnaise à la brioche. Quelques lamelles de betterave complètent l'assiette, que l'on retrouve dans l'entrée suivante, recouvrant une stracciatella vaudoise. Prévenant, le service annonce du piment, que l'on retrouve effectivement en poudre sur le dessus du plat. Le genévrier et le miel, notamment, ne l'adouciront pas assez. Mais la suite rassure.
Le Bon Rivage profite d'un jardin aux mille couleurs et aux multiples arbres et plantes.
Soupe à l'oignon en boulette. La soupe à l'oignon laisse perplexe: c'est une boulette frite de pomme de terre et saucisson vaudois plantée sur une petite branche d'arbre et déposée sur un crumble au saucisson vaudois. Sapide et parfumée, la véritable soupe à l'oignon est versée à table. Les goûts sont assumés et le chef double le jeu d'une excellente glace vert vif à la pomme de terre et à l'oseille.
Immense potager. Après des passages rapides aux Whitepods à Monthey (VS) et à La Galerie à Vevey (VD), le chef est «convaincu que le Bon Rivage est le bon endroit pour aller encore plus loin. Le cadre de l'hôtel est magique et nous avons la chance d'avoir un jardin potager avec plusieurs arbres fruitiers, une centaine de mètres carrés pour les herbes et les légumes… et la clôture du jardin donne directement sur le port. Quoi de mieux pour une pêche fraîche?» En tous les cas, le «retour de Christophe» (du nom du pêcheur), une truite fondante, est magnifié par une sauce hollandaise et un saucisson de lentilles à l'ail des ours.
La soupe à l'oignon? Hé oui, en version 2.0 et accompagnée de saucisson vaudois et d'une glace oseille-pomme de terre.
Le bœuf en admirable cuisson est escorté d'un tronçon de rhubarbe agréablement acidulé.
Comme les plats précédents, le dessert est riche en saveurs franches.
Pâtissier 16/20. Le bœuf, d'une admirable cuisson, est accompagné de poireaux brulés, de rhubarbe à l'acidité marquée, d'une poudre de viande séchée et d'un opulent condiment à l'ail noir et à la moelle. Même les racines de poireaux sont frites et ajoutées à l'assiette. Pour terminer, le dessert est signé Lukas Navickas, ancien responsable du sucré au Njørden (Aubonne, 16/20) et au Millennium (Crissier, 15/20). Il dévoile une déclinaison de bière noire et de chocolat, dans un excellent mariage de textures. Malgré un service encore un peu hésitant au premier jour, la suite s'annonce prometteuse. «Nous devons recevoir encore plus de bois flotté, de racines et d'autres éléments naturels dans les jours qui suivent, afin de maximiser l'immersion», lance le chef.
Le restaurant Racine à La Tour-de-Peilz
Photos: Luca Carmagnola, Siméon Calame