Brigade multiculturelle. Elle est fluette et est encore en train d’apprendre le français, Tayebah Mirzaie, mais c’est bien elle qui dirige une partie de la cuisine du projet Alter Start Food le temps d’une journée. Dans les hauts de Lutry, cette migrante afghane est en pleine recette de kabuli palaw (riz pilaf aux légumes et agneau), qu’elle cuisine pour une centaine de clients. À ses côtés, deux autres migrants se partagent tomates, casseroles et planches à découper, alors que le joyeux Colombien Jhovany Rojas apprête son propre menu de bœuf façon cajun avec l’aide de deux autres migrants. Pour coacher cette brigade pas comme les autres, Jérôme Binder, le chef de cuisine, s’applique à enseigner certaines techniques précises.
Du permis F au foodtruck. Cette scène se déroule tous les mardis dans les locaux d’Alter Start Food, avec des participants différents aux commandes. En partenariat avec l’Etablissement vaudois d’accueil de migrants (EVAM), la petite organisation conseille, porte et soutient des migrants dans la construction de leur propre micro-business. «Pour s’intégrer au mieux dans la société suisse, nous aidons les participants à imaginer et structurer leur idée d’entrepreneuriat, explique la directrice Hélène Bayeux. Certains se lancent dans la couture ou la menuiserie, et beaucoup optent pour la cuisine. C’est le rôle d’Alter Start Food.» Chaque semaine, deux participants proposent une recette et la préparent entièrement, avec pour objectif final de pouvoir ouvrir leur food-truck ou petit commerce à la fin de leur programme.
300 repas hebdomadaires. «Chacune et chacun de ces participants sait cuisiner, a ses propres recettes et idées importées de son pays d’origine, continue Hélène Bayeux. Mais il leur est souvent difficile de réaliser ces recettes pour cent ou cent cinquante personnes et d’avoir les outils qu’il faut pour tout gérer.» D’où l’importance d’avoir l’aide d’un chef cuisinier sur place. Spécialiste de la cuisine traiteur, Jérôme Binder donnait des cours dans son école à Crissier et est un sacré pédagogue. Il sait montrer sans crier, conseiller sans obliger, et laisser libre cours à l’imagination des participants. «J’estime que le respect réciproque est la seule manière d’apprendre correctement, appuie-t-il. Et ça fonctionne bien!»
Plein de succès! Chaque mercredi, les menus sont livrés à de plus en plus de clients. Knut Schwander, responsable du GaultMillau en Suisse romande, a essayé: «C’est une excellente occasion de découvrir des saveurs nouvelles, inédites et authentiques. L’organisation est impeccable. J’ai adoré!» Il y a un tel succès qu’Hélène Bayeux souhaite ouvrir un deuxième jour de cuisine. Les commandes se font sur WhatsApp et les livraisons par des bénévoles, sans qui Alter Start Food ne tournerait pas, selon sa directrice. «Heureusement que nous pouvons compter sur cette douzaine de personnes qui donnent de leur temps!» En plus des jours de cuisine pour les clients hebdomadaires, l’équipe réalise des banquets ou autres événements comme traiteur. En décembre, elle occupera d’ailleurs les cuisines du palace Président Wilson à Genève pour une soirée organisée par Building Bridges, une organisation partenaire d’Alter Start. Un succès grandissant entièrement mérité pour des personnes motivées!