Hop Sven. Tout le monde le sait, c’est à Bad Ragaz (SG), au Grand Resort, que se tiendra une nouvelle fois, en août, la Garden Party gastronomique du GaultMillau. Mais tout le reste de l’année, cet ensemble d’hôtels de grand luxe serti dans une nature opulente au pied des Alpes se profile en destination épicurienne de haut vol. Dernier-né des rendez-vous gastronomiques de la station: le tout nouveau restaurant Memories estampillé Sven Wassmer. Oui, ce jeune cuisinier explorateur et pétillant d’idées! Celui qui a fait chavirer ses hôtes à Vals (18/20) avant de venir s’établir ici, où un repas dégusté en primeur laisse entrevoir un avenir brillant à sa «cuisine alpine».
Beauté de l’écrin. Car ici, dans le cadre du Quellenhof fraîchement rénové, il dispose d’un outil exceptionnel: une vaste salle autrefois très kitsch, aujourd’hui débarrassée de toute sa ringardise pour se muer en atelier moderne et palpitant. La brigade (huit cuisiniers) s’y affaire pour un dîner spectacle parfaitement orchestré, à quelques mètres des tables dressées dans une forêt de bois clair et de granit zébré. Des matières nobles et locales qui font écho au projet gastronomique de Sven Wassmer: Memories, une cuisine alpine de haut vol qui magnifie les produits de tout l’Arc alpin.
Pertinence des produits. Voici des fleurs blanches, faites de colrave parfumée, farcies de noisettes et parsemées de raisinets verts. C’est fleuri, croquant, subtil comme un dessert sans sucre, mais parfumé à la rose. Puis la tartelette de rafraîchissant concombre et gourmand caviar Oona de Frutigen (VS) ouvre la voie à un délicat kombucha au foin, tout en parfums et en équilibre, versé sur un glaçon pour lui donner la fraîcheur idéale d’un début de repas estival.
Avec ou sans alcool? Moderne, le concept l’est aussi côté boissons. L’accord mets-vins proposé par Amanda Wassmer, l’épouse du chef, Londonienne et en passe de devenir Master of Wine, parcourt les trésors des vignobles locaux, avec les plus grands noms de la viticulture grisonne (Adank, Obrecht, etc.), mais aussi une perle signée du Vaudois Henri Cruchon, des vins orange, des bulles locales. Les accords sans alcool sont au moins aussi passionnants, voire plus: de tisanes en boissons fermentées, aux herbes aromatiques et aux fleurs du coin, on se délecte de rencontres passionnantes parce qu’elles reprennent la trame acidulée qui souligne tout le repas, un mixologue londonien y veille.
Légumes d’anthologie. Arrive un plat de légumes joli comme un jardin enchanté. Ils sont issus du potager d’un ami et agrémentés d’herbettes que la brigade de cuisine va cueillir trois fois par semaine entre bois et roches. Pickels et graines, feuilles et fleurs s’harmonisent en un tableau gourmand inoubliable. De même, un classique du chef (ce n’est pas par hasard si le restaurant s’appelle Memories): son époustouflant omble du val Lumnezia à la texture fondante, en sauce au petit-lait caramélisé – une ode aux parfums du beurre noisette! – et aux décoctions de bourgeons de sapin et de mélèze. Vous avez dit alpin?
Souvenir de Norvège. Puis il y a la carotte fermentée au pesto chaud fait de ses fanes, qui propose des saveurs inédites et séductrices. Et comme le chef rentre d’un voyage en Norvège, il en a rapporté un flétan qu’il associe aux asperges fermentées (eh oui, comme la saison est passée, il a trouvé une manière de leur offrir une nouvelle actualité) et au petit-lait qui, grâce à son talent, prend des airs de beurre blanc: on en reste tout ébloui. La pomme de terre granola au caviar d’albeli (une sorte de féra) et exquises tiges de persil en brunoise joue à la fois de la volupté et du croquant. Et l’agneau de l’Oberland bernois – le meilleur que l’on puisse trouver! – s’alanguit sous une poignée d’oxalis, d’ail des ours et de capucine: une merveille.
Une salade au dessert. Au dessert, on applaudit ces feuilles de salade croquantes, craquantes, caramélisées et assorties d’une glace au lait et d’un granité de concombre tout en rafraîchissantes saveurs herbeuses. Un dessert plein d’originalité et d’humour, dont les notes suaves rappellent celles des raisins secs. La meringue aux fraises séchées puis réhydratées est une délectation. Et la mignardise au caviar emprisonné dans un cigare de pomme de terre frite serait un aboutissement si le goût de friture ne dominait pas cette bouchée inattendue.
Service de haut vol. Comme la cuisine et le chef, le service est précis, avenant, charmant. En gants noirs, il répond à toutes les interrogations des convives et se montre d’une attention de tous les instants, tout en gardant une apparente décontraction: Sven Wassmer donne le ton d’un restaurant moderne et pertinent, où chaque repas ressemble à un voyage initiatique au pays des saveurs inédites de l’Arc alpin. Bravo!
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Sven Wassmer Memories
Grand Resort Bad Ragaz
Bernhard-Simonstrasse,
7310 Bad Ragaz (SG)
081 303 30 36