Photos: Hokta, Bread Store, Maison Buet
C’est bientôt cuit! Les petits-déjeuners chez le boulanger, chocolat chaud fumant, croissants et brioches apportés à table, c’est fini depuis un moment, tout comme la pause gourmande dans une pâtisserie, pour goûter le dernier éclair à la vanille. Pour nous, clients, c’est un confort en moins. Mais pour les premiers concernés qu’implique vraiment cette crise sanitaire? Pour percer le mystère du pétrin, nous nous sommes glissés chez des boulangers-pâtissiers, entre baguettes de tradition croustillantes et millefeuilles au praliné…
Plus de restos, moins de boulot «Impossible de compenser ce manque à gagner. Habituellement, nous livrons aussi nos pains à des écoles et préparons des services traiteurs pour des théâtres et des entreprises… Toutes ces commandes ont évidemment été stoppées net.» Lorsqu’on lui demande s’il a pu compenser un minimum la perte des livraisons aux restaurants, le Lausannois Laurent Buet, chocolatier de la ville cette année, est catégorique. Il est d’ailleurs représentatif de la branche boulangère dans son ensemble: même si certains restaurateurs tentent des services à l’emporter ou en livraison, rien ne remplace les deux services quotidiens, lors desquels le pain au levain alvéolé était maître de la table.
Pertes inévitables De plus, la fermeture de tous les espaces tea-room engendre des manques à gagner allant jusqu’à 60% du chiffre d’affaires et met une part importante du personnel au chômage technique. Spécialistes des gâteaux à thème, spectaculaires et colorés, Margrit et Gérald Saudan, patrons de l’entreprise du même nom à Fribourg, ont fait des ajustements en conséquence: «Nous ouvrons sept jours sur sept avec la même équipe. Mais malgré cela, c’est très difficile, notamment de garantir le salaire de nos 72 employés, sans licenciements…»
Plaisir partagé Cette pression financière est commune à une large tranche des boulangers. Mais, presque étonnamment dans ces circonstances, l’écrasante majorité d’entre eux ressentent toujours du plaisir à pratiquer leur métier. Jérémie Moreau, cofondateur de Hokta à Vevey et spécialiste du kouign-amann bien beurré, s’explique: «Ce changement de rythme est bienvenu! La routine s’en va et la créativité revient un peu comme par magie. Ce n’est pas tout rose, mais l’obligation de trouver des astuces pour s’en sortir engendre une motivation supplémentaire!» Même sentiments chez Durgnat à Villeneuve, où Cyrille Pittier voit dans ce temps à disposition un encouragement à innover et à créer de nouvelles gourmandises. Sortiront-ils de ces réflexions des saveurs nouvelles, des jeux de texture inédits?
Le chocolat dans tous ses états Créer et imaginer de nouvelles douceurs, c’est très bien, mais que faire des stocks déjà préparés? Au sortir d’une semaine pascale sans précédent, les artisans chocolatiers se retrouvent tous dans des situations très différentes… Ainsi, à Villeneuve, l’équipe de Lucien Moutarlier a réduit sa production de chocolat pour n’avoir aujourd’hui qu’un petit stock à écouler. Situation inverse à Fribourg, où l’entier de la production chocolatière est prête depuis le début du confinement: mais les plus de 600 lapins, œufs et pralinés commandés en un mois sur internet «aident à aller dans la bonne direction». A Vevey, les tablettes tant à la fleur de sel qu’au chocolat noir bien corsé signées Hokta, se vendent comme des petits pains sur une nouvelle plateforme web, Mylocalstore.io. Un site où se retrouvent plusieurs artisans de la cité, notamment Bread Store, où le copatron Laurent Buri garde le moral. Son mythique et gourmand croissant bicolore à la main, il explique: «On a la chance d’être ouverts et de pouvoir travailler, prenons-en conscience afin de servir au mieux nos clients gourmands!»