Ça (r)ouvre de tous côtés! Gueuleton, la Ferme Saint-Amour et Meson los Cuñados très récemment, mais aussi L'Atelier, La Maison ou encore l'hôtel Six Senses et le Madriz Bistro quelques mois auparavant: ces dernières années, la station valaisanne de Crans-Montana voit sa gastronomie fleurir plus que toute autre dans les Alpes romandes. Cela sans compter sur les tables bien ancrées dans la commune: L'Ours (18/20), Le MontBlanc (16/20), le Five (14/20) ou encore le Casy et le Kaizen (tous deux 13/20).  De quoi ravir les amateurs de cuisine mexicaine, japonaise, italienne, sud-américaine, française… et dans toutes les fourchettes de prix. Un dynamisme unique, qui interpelle: pourquoi la station bénéficie-t-elle d'une si grande vigueur culinaire?

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Le concept festif et la clientèle jet set de la Ferme Saint-Amour annoncent la couleur (rouge): ça bouge à Crans-Montana!

 
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Jhonny Setjo a ouvert en août 2024 le Madriz Bistro. Cuisine espagnole et bonheur dans l'assiette!

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Chez Gueuleton, le partage est au centre de tout. Ici, la poire de coin et ses beignets de patate.

Réouvertures plus qu'ouvertures. «Il est vrai que ça bouge beaucoup ces derniers mois», confirme Reto Taillens, ancien patron de la boulangerie éponyme, habitant la station depuis toujours et qui a vu les choses bouger ces dernières décennies. «Mais sauf exception comme le Six Senses qui est sorti de terre il y a deux ans, ces nouvelles tables sont surtout des reprises d'établissements opérant déjà dans le domaine», analyse-t-il. Des reprises d'établissements certes, mais avec, en majorité, une hausse de la qualité et des concepts clairs. Le XIXᵉ a été repris par les fondateurs de la «Découverte romande de l'année» 2025, Arakel à Genève, qui en ont fait la bistronomique Maison; le gril la Désalpe est devenu une antenne de Gueuleton, cette mini-chaîne française valorisant l'hédonisme à table; le bar Chez Dédé est devenu la Meson los Cunados, un resto mexicain frère de celui qui a fait ses preuves à Genève… Alors, ouvertures ou fermetures, chacun voit le verre comme il le souhaite. Ce qui est certain, c'est que de nouveaux acteurs arrivent et ouvrent des établissements qualitatifs. Selon l'office du tourisme de Crans-Montana, environ 25 nouvelles adresses ont éclos depuis 2020, le nombre d'établissements publics atteignant ainsi 130 entre les trois communes (Icogne, Lens et Crans-Montana) dont il s'occupe.

Six Senses Crans Montana

L'hôtel Six Senses renferme deux restaurants notés 14/20 au GaultMillau: le Byakko et le Wild Cabin.

Pourquoi Crans-Montana? En analysant le contexte des arrivées des derniers établissements dans la station, on s'aperçoit que certains y sont arrivés pour des raisons familiales, d'autres à travers une histoire personnelle sur place, d'autres encore grâce un réseau professionnel actif ici, et quelques-uns, bien sûr, par opportunité stratégique, attirés par les atouts de la cité alpine et sa population de touristes prompts à la dépense. Pourtant, Grégoire Matthey, responsable marketing et événements à l'office du tourisme de la station, l'affirme: «Le dynamisme et la visibilité de la destination sont les meilleurs arguments pour attirer de nouveaux établissements. Et la saine concurrence qui règne entre eux les pousse à se surpasser!»

L'Atelier Café Créatif café cosy à Crans-Montana

L'Atelier, mignon café ouvert en juillet 2024 à côté de la station d'arrivée du funiculaire de Sierre, a apporté un vent de fraîcheur et plaît à la communauté locale.

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L'entrepreneur Arakel Sedef a des attaches familiales à Crans-Montana. D'où son choix d'ouvrir La Maison ici, avec son comparse sommelier Julien Samson.

Base solide, événementiel, besoins. «Les trois communes comptent 15'000 habitants à l'année, détaille Grégoire Matthey. Cela crée une base solide grâce à laquelle des établissements publics peuvent fonctionner toute l'année, à l'instar d'autres stations qui se vident hors saison et dont la restauration va peut-être s'affaiblir. De manière générale, la dynamique est positive dans cette branche d'activité, mais aussi dans l'hôtellerie, l'immobilier, le sport…». Une vitalité globale et surtout, précise le responsable, des événements qui amènent une large et diverse population. Saison et coupe du monde de ski, Caprices Festival, trail au Trubelstock, championnat du monde de VTT cette année, Open de golf… Des jeunes, des sportifs, des fêtards, une frange plus âgée de la population, un peu de jet set: il en faut pour tout le monde. Et il y en a pour tout le monde.

Hostellerie du Pas de l’Ours à Crans-Montana: Franck Reynaud

Les tables gastronomiques attirent les clients de loin, mais sur place, ces derniers profitent aussi des restaurants plus simples. Ici, l'œuf d’Icogne, céleri pomme et trompettes, signé Franck Reynaud (18/20).

Une diversité qui fait mouche. «Ce qui me frappe vraiment, c'est la diversité de l'offre culinaire, s'enthousiasme Grégoire Matthey. Par exemple, l'arrivée en décembre dernier de la Ferme Saint-Amour, mariant festivités et bonne nourriture, a comblé l'un des derniers styles de restauration qui nous manquait.» Thaï, japonais, italien, festif, viandard, boulangerie, bistronomie, gastronomie, levantin, espagnol, restaurant de partage, et bien entendu valaisan. On peut effectivement passer plus d'une semaine sur place en découvrant à chaque repas une cuisine différente. Un bon point - et un besoin - pour les touristes (dont 80% sont helvétiques) qui passent une à deux semaines dans la station. Reto Taillens confirme: «Nous avons besoin de cette diversité culinaire, de tables gastronomiques mais aussi de restaurant plus simples. Toutes ces ouvertures font du bien à la station, elles amènent du monde et font vivre Crans-Montana.»

 

Concurrence saine. «Si des restaurants ouvrent, c’est parce qu’il y a de la demande, poursuit Grégoire Matthey. Notre rôle ne consiste pas à attirer des nouveaux restaurateurs, car les touristes et les locaux le font eux-mêmes. Nous sommes là pour promouvoir les établissements en place.» La réouverture cet hiver du restaurant Le Partage, à l'Aïda Hôtel & Spa, avec une carte italienne affirmée remplaçant l'ancien menu plus classique français, confirme une tendance de diversité. Fondateur avec Raphaël Grima de la Meson los Cunados ouverte en décembre dernier, Anthony Castrilli l'assure: «Cette vitalité est géniale pour la station, qui est la plus attractive des Alpes romandes. La concurrence que nous y trouvons est saine, stimulante, elle nous pousse à nous démarquer encore plus des autres.»

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La commune de Crans-Montana bénéficie de coteaux ensoleillés et la vingtaine de vignerons qui y œuvrent en tirent des vins d'exception.

 
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Le long d'un bisse, un stand de dégustation, symbole de cette gastronomie qui a le vent en poupe et qui se démène pour se faire connaître.

Un vignoble en station? Outre la simple valorisation du terroir et de ses produits artisanaux - ce que la majorité des restaurants font aujourd'hui -, Crans-Montana bénéficie d'un atout dont peu d'autres stations peuvent se targuer: un vignoble. Evidemment valorisé dans les bars et restaurants: «Il y a une vingtaine de vignerons sur la commune, la plupart des restaurants jouent le jeu et proposent des vins d'ici, explique Grégoire Matthey. En collaboration avec les producteurs locaux, nous mettons sur pied des activités découvertes du terroir, qui sont demandées par les clients extérieurs.» Le bar le Tirbouchon, par exemple, mise sur des vins de la région et est reconnu pour cela. Plus qu'une station qui mise sur la communication et l'attraction forcenée des restaurateurs, Crans-Montana semble être un microcosme culinaire qui se suffit à lui-même.

Photos: Patrick Güller, Pierre Baelen, Géraldine Bach, Olivier Mauhin, Charles-Edouard Nicolet, Sedrik Nemeth, Siméon Calame, HO