Photos: Julie de Tribolet / L'illustré
«Quand j’ai rencontré Pasquale, je ne savais pas cuire des pâtes, sourit Dao Nguyen. Je les mettais dans l’eau, allais me doucher tranquillement et les sortais quand je revenais. Vous voyez le tableau… J’étais végane parce que j’avais la flemme de cuisiner et ne voulais pas payer pour des produits qui n’ont aucun attrait particulier: je mangeais pour vivre, alors qu’aujourd’hui je vis pour manger.» Assise sur le canapé à côté de son époux, Pasquale Altomonte, cuisinier professionnel, Dao se souvient avec malice de ces dernières années. Depuis, elle en a fait, du chemin! Mardi dernier, la pharmacienne et juriste de formation se qualifiait avec brio pour une nouvelle étape de l’émission «MasterChef», qui reprend cet été sur France 2, après sept ans de pause. C’est un couple d’amoureux du bon goût et de la cuisine taquine que l’on retrouve dans un joli appartement de Meyrin Village.
Inoubliable recette de pâtes! A gauche, un mur de tableaux rassemblant les diplômes et autres prix remportés par Dao, Pasquale ou par les deux ensemble. Devant, la cuisine moderne et son immense plan de travail. A droite, une étagère où s’alignent d’autres trophées, dont celui de la Cuillère d’or, compétition pour amateurs remportée en 2018 par la bouillante cuisinière. Son plat gagnant? Le même que celui présenté lors de la première étape de la compétition télévisée: l’œuf carbonara. Premier exemple d’une cuisine originale qui leur est commune et qui tend à casser les codes: les pâtes, entièrement blanches, sont des blancs d’œufs mélangés à de la gomme xanthane, alors que le jaune d’œuf, déposé sur le dessus, est simplement mariné dans une saumure. A côté, une tuile de parmesan et de pecorino. A ce moment, en 2018, cela fait à peine un an que Dao s’est mise à cuisiner «pour de vrai», elle prend bonheur à découvrir de nouveaux produits, à les sublimer et… à participer à des concours par-ci par-là. Elle est ainsi épaulée dans ses aventures par Pasquale, fervent amateur de cuisine moléculaire, même s’il abhorre ce terme.
Deux artistes, deux styles. On l’imagine issu d’une famille où ils seraient cuisiniers de père en fils, ayant baigné dans une atmosphère de gastronomie latente, mais pas tout à fait; seule sa grand-tante cuisinait «merveilleusement bien». Pasquale, c’est une reconversion professionnelle sur le tard, des plans de chantiers aux spatules en bois, puis jusqu’aux pipettes. Car, s’il a passé son CFC de cuisinier en 2020, l’homme à l’enchanteur accent italien a commencé sa carrière comme ingénieur en sécurité routière, avant de se tourner progressivement vers les fourneaux, qu’il a découverts sur le tas grâce à une passion dévorante et à un travail acharné. Cela l’a amené à faire des stages chez les plus grands, tels que Pierre Gagnaire à Paris et au Vietnam ou Pierrot Ayer à Fribourg. Avant de participer aux finales du Grand Prix Joseph Favre en 2018 et du Bocuse d’or Suisse en 2021.
Champions toutes catégories! Leur premier concours commun mêlait vraiment leurs deux métiers. «C’était le Sciences et Cuisine organisé en 2014 par le pape de la cuisine moléculaire Hervé This, se souvient Pasquale. Il fallait deux rôles: la science et la cuisine, nous nous sommes donc facilement réparti les tâches!» Dao voulait y participer uniquement pour rencontrer Hervé This, une «idole» pour elle à cette époque. Pris au jeu, ils remportent ce concours, comme d’autres par la suite: l’émission «Bon App!» sur la RTS, «Les toqués du terroir» sur La Télé Vaud-Fribourg avec Denis Martin, puis par deux fois (2015 et 2017) la finale mondiale de la cuisine «note à note». «Ce n’est pas de la musique, sourit Dao, mais c’est tout aussi artistique! L’idée est de revenir aux basiques de la cuisine: la chimie et le fonctionnement des molécules des aliments, puis de jouer avec, simplement.» Après cinq ans sans s’y représenter, ils remettront en quelque sorte leur titre en jeu le 9 septembre prochain. Espiègle, le couple nous a glissé une partie de la recette, qui revisitera de A à Z un classique mondial…
Pourquoi? Comment? Participer à plus de 50 concours culinaires à eux deux, cela peut surprendre. Mais rien de plus normal pour les deux passionnés de gastronomie, qui admettent diverger sur certains points: «Nous trouvons les deux un aspect formateur dans les concours, continue Pasquale. Mais, contrairement à Dao, j’ai ce côté comparaison avec mes concurrents, compétition et remise en question.» Elle mise plus sur la découverte: «En général, chaque concours est placé sous le signe d’un ingrédient ou d’une technique, cela me permet de travailler à fond sur une seule chose et de la connaître sur le bout des doigts.» Un exemple? L’agneau, qu’elle a travaillé des semaines durant, afin d’être parfaitement prête lors du concours Une histoire de cuisine, organisé par Stéphane Décotterd en 2020. «Je détestais l’agneau, sourit-elle. Après l’avoir vu et revu, j’y goûte un peu plus volontiers…»
Précision et créativité. «Nous avons des manières totalement différentes de travailler et d’apprendre, avance Pasquale. Dao lit énormément, passe en revue beaucoup de recettes, puis se met à répéter la recette jusqu’à la maîtriser parfaitement. De mon côté, c’est l’inverse, je lis peu et teste beaucoup quelques éléments de la recette.» Mais une fois qu’elle est calée, plus question de la toucher mille et une fois, ce serait une «perte de temps»! La préparation du concours, elle, réunit la précision de Dao et la créativité de Pasquale. Le jour J, ce dernier mène le bal et elle exécute la recette avec talent en ajustant les détails. A la maison, en revanche, c’est lui qui cuisine, même lorsqu’ils invitent des proches. Dao Nguyen et Pasquale Altomonte, un couple en fusion.