Francesca Fucci, vous voici cheffe. Comment êtes-vous entrée en cuisine?
Je suis née dans les Pouilles, dans une famille de pêcheurs et de paysans, au bord de la mer, à côté des plus grandes salines d’Europe. J’aurais voulu faire une école d’art, mais ce n’était pas possible. Alors j’ai choisi la cuisine… et comme je me passionne pour tout, j’y ai retrouvé le côté artistique qui me tient à cœur. J’aime aussi l’idée de poursuivre le lien avec ma famille, en transformant les produits de la terre.
Le Fiskebar est une table complexe. Où avez-vous acquis les gammes qui vous permettront de le faire vivre?
J’adore voyager et découvrir les populations, ainsi que leur cuisine qui est toujours révélatrice d’une culture. D’Italie, je suis partie en Espagne, dans le nord de l’Europe et en France, qui a été une étape marquante. J’ai apprécié mes contacts avec Alessandro Cannata par exemple ou Joël Robuchon. J’ai aussi travaillé à l’ambassade italienne en Nouvelle-Zélande, découvert le Périgord et cuisiné au Palace de Tokyo. Le Fiskebar, je l’ai vu naître avec Alessio Corda, puis je l’ai vu évoluer avec Walter El Nagar et Benjamin Breton.
Le concept du Fiskebar mise sur les cuisines du Nord. Qu’en pensez-vous?
La cuisine du nord de l’Europe est surtout une cuisine simple, tout le contraire de la cuisine française. Elle est, de certains points de vue, très semblable à celle du sud de l’Italie: basée sur des produits locaux, peu travaillés et rehaussés de saveurs que leur confèrent des moyens de conservation traditionnels. En Italie, nous conservons les tomates séchées dans l’huile d’olive et leur goût s’en trouve renforcé. Dans le Nord, ce sont notamment les poissons qui sont mis en conserves, excellentes.
Vous vous définissez comme une femme passionnée. Quand vous n’êtes pas en cuisine, que faites-vous?
Je fais surtout du sport, du saut d’obstacles à cheval et du fitness. Puis il y a l’art. J’adore le théâtre, mais j’y vais plus volontiers en Italie, parce que je suis plus à l’aise avec la langue. Et, comme je l’ai dit, j’aime voyager.
Au cours de vos voyages, quelles ont été vos tables coups de cœur ?
Il y en a plein! Enrico Crippa au Piazza Duomo d’Alba – j’adore son approche de la cuisine par le produit, un peu comme Michel Bras, dont j’adore aussi la cuisine; Anthony Genovese et sa cuisine fusion entre Italie, France et Japon; Heinz Beck, un chef allemand établi à Rome, pour sa rigueur; Gérald Passedat, à Nice.
Qu’allez-vous proposer au Fiskebar?
Comme Massimo Bottura, qui a une capacité extraordinaire à établir un contact chaleureux et immédiat avec le client, je veux être transparente: je veux dire à mes clients qui est Francesca. Mon projet, c’est d’amener ce restaurant encore plus loin.
Concrètement, qu’est-ce que cela implique?
La première chose: on change le pain. Il y aura désormais des pains de seigle et d’orge, notamment. Puis je veux tout centrer sur le produit. Et surtout faire ressentir aux convives que la vie est belle! Comment? En leur faisant goûter des choses différentes. En utilisant toutes les parties des animaux, c’est aussi un engagement pour la planète. Pourquoi pas du ris de veau, ou d’agneau, du cœur de bœuf ou du pied de porc: c’est avant tout une question de confiance entre chef et client.