Photos: Valentin Flauraud
Gérard Rabaey enchanté. «J'ai passé une soirée formidable!» À la table d'à-côté, Gérard Rabaey ne cache pas son sourire ni son bonheur de voir revivre «son» Pont de Brent, celui que lui et son épouse Josette avaient mené au firmament de la gastronomie helvétique. Ce mercredi 15 janvier au soir, le couple propriétaire du restaurant en son temps honoré de 19 points et de trois étoiles Michelin, était présent pour honorer le premier service des repreneurs, un autre couple: Joeffrey Fraiche et Helena Collaud. Et il faut bien donner raison à leur bailleur: membres des Jeunes restaurateurs d'Europe, les anciens patrons de l'Hôtel de Ville d'Avenches (16/20 jusqu'à l'été 2024), ont démarré en trombe.
(Grande image ci-dessus: Joeffrey Fraiche et Helena Collaud, ainsi que l'omble à l'orge et au miso)
De grands et gourmands graffitis embellissent la salle. Surprenant!
Joeffrey Fraiche et Helena Collaud emploient aujourd'hui six personnes, entre la salle et la cuisine.
Graffitis sur les murs. Sur les murs, quelques (grands) tableaux signés du graffeur Philippe Baro, créateur de graffeur.ch, démontrent l'esprit pop que souhaite apporter le couple. À table toutefois, la précision reste de rigueur. Dans cette craquante tartelette aux fins épis de courge et à la mandarine, par exemple. Ou dans cette puissante feuille d'oignon rouge. En salle, la jeune sommelière Chloé Mallavergne, formée chez feu le doublement étoilé français Serge Vieira, propose de pertinents accords mets-vins, tandis que la maîtresse de maison signe une partie des boissons sans alcool, dont on retrouve un accord en trois ou cinq verres. Puis arrive l'huître cuite, couverte d'une fondue de poireaux et le tout nappé d'un siphon à L'Etivaz, de petits morceaux du fromage et de mini-croûtons.
Les amuse-bouches, avec la tartelette courge-mandarine au centre.
Le pain au levain et le feuilleté sont confectionnés maison, par le chef pâtissier.
Marier une huître avec L'Etivaz? Joeffrey Fraiche l'a fait, et ça matche!
Carotte et topinambour en stars. La suite est autant une démonstration de techniques de cuisinier qu'une lettre d'amour à la carotte. Une carotte entière, lactofermentée puis rôtie afin de l'assécher, se voit doublée de trois préparations de cette même racine: en chips, en caramel intense, et en brunoise, le tout saupoudré d'une poudre de fanes et d'un peu de yaourt de brebis. Que de travail! Le topinambour, lui, débarque en crémeux et en émulsion, cerclant une «coque» de topinambour. Cuit, évidé et frit afin d'obtenir un légume croquant (un peu trop d'ailleurs, il est difficile de le couper) et fourré du tubercule retravaillé. Un gel de café et du café moulu à table donnent du relief à cette entrée, alors que la noisette arrondit le tout, en texture et en longueur.
La carotte au cumin des prés et au yaourt de brebis.
Le topinambour au café et à la noisette.
Six mois de pause, et alors? Fin octobre, les épicuriens ont aperçu le couple Fraiche-Collaud au salon Goûts&Terroirs, à Bulle, travaillant au stand de restauration Fud Läb. Mais outre cette expérience de cinq jours, il y a eu peu de cuisine pour le chef durant sa pause de six mois. Une pause qui n'a définitivement pas eu de conséquences sur son travail. Preuve en est, son omble de Chamby nacré, déposé sur un risotto d'orge perlé et une émulsion de fumet de poisson au miso. Un confit d'agrumes et des grains d'orge soufflé chapeautent le poisson et apportent texture et peps.
Soirée calme, le 15 janvier 2025, pour la réouverture du Pont de Brent.
Le faux pas du soir. Si la carte annonce le pain commandé chez Bread Store, on apprend que l'agréable feuilleté et le pain au levain sont fait maison par le pâtissier. Tout comme le beurre à… la choucroute! «Nous collaborons avec Bread Store uniquement sur des produits spécifiques», confirme Helena Collaud. Bon point. À l'inverse de cette croquette de joue de bœuf, molle et sans un grand intérêt.
Bœuf en trio, ail noir maison et crinière de lion.
Betterave, shiso, citron vert.
Pomme et stragon.
Chef pâtissier prometteur. Contrairement à Avenches, Joeffrey Fraiche peut désormais compter sur un chef pâtissier, Roman Majecki. Celui-ci marie la betterave au shiso et au citron vert, sous une fine tuile de betterave. Rafraîchissant et surprenant. Avant que la pomme à l'estragon ne convainque définitivement: les fragiles lamelles de pommes entourent une compotée du fruit, un sablé et de l'estragon décliné en crème, en sorbet et en jus amer. Acidité et sucrosité (faible) en subtile harmonie. Les amateurs de pâtisserie apprécieront aussi l'arrivée d'un chariot de desserts pour le service du midi. Car oui, le Pont de Brent est aussi ouvert à midi, avec un menu de la semaine à 60 francs et une sélection à la carte à 80 francs les trois plats.
Gérard Rabaey reviendra. «J'ai plus de pression à bien cuisiner pour Monsieur Rabaey que pour le GaultMillau», sourit le chef en fin de repas. Dans un sourire, Gérard Rabaey confirme sa joie: «Je ne m'attendais pas à ce que Joeffrey et Helena visent si haut dès le premier service, je suis heureux et nous reviendrons la semaine prochaine!»
