Texte: David Moginier

Mode nordique. «C’est clair que rené Redzepi, le chef du Noma, a influencé pas mal de chefs sur la lactofermentation», avance Romano Hasenauer, patron du Chalet des Enfants (12/20), au Mont, et de l’Auberge de l’Abbaye de Montheron (16/20). L’endroit possédant aussi son potager en permaculture, l’utilisation de la technique de conservation de nos grands-mères y est fréquente. «Nous avons commencé par la choucroute, la plus simple mais aussi la plus répandue.» Cette année, il a fait 150 kg de kimchi, cette recette coréenne qui fait fermenter du chou, des piments et de l’ail. Elle est servie au Chalet des Enfants en soupe et vendue dans l’épicerie attenante. (Grande photo ci-dessus: fraises et asperges lactofermentées par Jérémie Cordier le chef des Cerniers aux Giettes.)

 

Adieu citron! «A Montheron, nous sommes davantage sur des pickles, des petites garnitures plutôt que sur un ingrédient principal. Le chef Rafael Rodriguez essaie pas mal de choses, parfois un peu bizarres, pas toujours géniales. Mais comme nous avons renoncé au citron pour rester local, les produits lactofermentés apportent de l’acidité à nos plats et aussi de l’umami, cette 5e saveur.»

Danish chef Rene Redzepi, co-owner of the restaurant Noma in Copenhagen, Denmark, poses for a photograph prior to a premiere of "Ants on a Shrimp" in Amsterdam, on September 1, 2016. The documentary is about the chef-cook who along with his team enters the biggest culinary experiment in his life. / AFP / ANP / Robin van Lonkhuijsen / Netherlands OUT        (Photo credit should read ROBIN VAN LONKHUIJSEN/AFP/Getty Images)

Rene Redzepi est le chef danois du restaurant Noma à Copenhague (3*).

Longue tradition. A Vevey, au Grand Hôtel du Lac, Guy Ravet poursuit ce qu’il fait depuis longtemps: mettre fruits et légumes en bocaux. En pleine saison des agrumes, voici donc ses conserves de bergamote, de clémentine, de citron, de citron vert. La bergamote, par exemple, servira à faire exploser les saveurs dans un jus de veau. «Surtout, cela permet de faire varier la palette des saveurs vers l’infini, selon aussi la longueur de la fermentation. Nous nous amusons bien.»

 

Asperges lactofermentées: fantastique! Le président des Grands Tables de Suisse veut aussi travailler avec son pâtissier sur les baies. Framboises et myrtilles, à la texture plus fragile, par exemple, qui nécessitent donc une lactofermentation plus rapide. La rhubarbe, aussi, pour développer encore l’originalité des desserts. «Mais tout cela demande du temps, des essais. J’ai dégusté l’autre jour chez un collègue des asperges blanches lactofermentées, c’était fantastique.»

Guy Ravet, Chef du Grand Hôtel du Lac à Vevey pose dans une salle à manger de l'Hôtel, le mardi 17 janvier 2023. (© Gabriel Monnet)

Guy Ravet supervise désormais les cuisines du Grand Hôtel du Lac.

Tout le monde n’aime pas. Damien Germanier, à Sion, y voit une manière de prolonger la saison des aliments. «Mais cela ne marche pas pour tout. J’ai fait pas mal d’essais pour arriver à des saveurs et des textures différentes.» Le chef a bien aimé ses tentatives de faire fermenter les viandes de manière légère, moins ce qu’il a fait avec les poissons, dont le goût devient vraiment fort et dont «la texture est pas mal modifiée. Cela peut ne pas plaire à nos clients.»

 

Germanier s’amuse de tout, des liquides style kombucha, des fruits, des cidres. Mais sa préférence va encore aux légumes. «Les textures sont super-intéressantes, c’est comme s’ils étaient cuits.» Il admet qu’il a dû faire beaucoup d’expériences, qu’il avait arrêtées il y a quelques années avant d’y revenir. Il a aussi appris à stopper les fermentations, avec un choc de température, à travailler sous vide. «Le livre de Redzepi est très bien fait, j’y ai beaucoup appris.»

Damien Germanier

Damien Germanier (17/20): «La texture est pas mal modifiée. Cela peut ne pas plaire à nos clients.»

Des Mossettes au Reffetorio. A la Pinte des Mossettes, Nicolas Darnauguilhem aime autant les herbes sauvages que la lactofermentation. Aux Cerniers, Jérémy Cordier mettait cet été ses fraises en bocaux avec de la marjolaine, ses asperges blanches avec du serpolet ou les vertes avec du romarin. Et à Genève, Walter El Nagar a beaucoup exploré la lactofermentation au 5e Jour et désormais au Reffetorio. La mode n’est pas terminée.

Walter El Nagar

Le chef du Reffetorio, à Genève, Walter El Nagar.

Photos: Blaise Kormann, AFP/Getty Images, Gabriel Monnet, Julie de Tribolet, Valentin Flauraud