Texte: Siméon Calame | Photos: Butfirst, Siméon Calame
Une ouverture en fanfare! «Donner un coup de fouet à la gastronomie romande». Tel était, début mars, l’ambition de Luis Zuzarte. Trois semaines plus tard à L’Appart, nouveau resto caché au cœur de la Rue de Bourg, le jeune chef (31 ans) et son acolyte Nicolas Bernier sont en passe de réussir leur pari, à leur échelle. Catelles turquoises aux murs, mobilier dépareillé, grande cuisine ouverte: on s’y sent bien. Et on prend le temps d’écouter le directeur de salle qui détaille la philosophie du lieu. Car philosophie il y a. Partant du principe que ce n’est pas le cuisinier qui dicte le menu, mais bien la nature au gré des récoltes saisonnières, Luis a mis sur pied un menu susceptible de changer tous les jours et dont les ingrédients sont piochés chez des amis producteurs.
Un bouillon de compost. Les vins et boissons choisis, place aux amuse-bouches, notamment cette royale tuile de levain et sa crème fraîche acidulée… À côté, le «bouillon de compost» (fait des épluchures du jour) se révèle corsé et peu salé, le beurre noisette au fond du bol ravive le palais avec gourmandise, et les filaments de poireau qui y nagent sont une bonne idée. En cette fin d’hiver, le chef a d’ailleurs tout misé sur ce légume, que l’on retrouve en intense jus au centre de cinq ravioles de céleri. Croquante, fraîche et techniques, c’est une belle suite. Puis arrive le gâteau de céleri, merveille de coussin légumier sur fond de bisque d’écrevisse écumée. Ajoutée pour «faire comme les gastros de luxe et se marrer», la cuillère de caviar est toutefois peu utile.
Le végétal au centre. On l’a compris: Luis mise beaucoup sur le végétal. Mais à l’instar de multiples autres chefs de sa génération, il valorise aussi des viandes locales et élevées par des amis. Ainsi, après une pleurote laquée au petit lait, ses lentilles germées et son pralin de tournesol, l’agneau en trois façons détonne par sa complexité. D’abord la brioche vapeur, moelleuse et aérienne, dans laquelle s’effiloche une viande au goût vigoureux. Puis un morceau unique en deux textures, hachée et au naturel, accompagné d’une laitue braisée, de grains de moutarde, de ketchup de kiwi et de mayonnaise au topinambour. C’est créatif et c’est bon. Un pesto acidulé et piquant complète agréablement le tableau.
De brillants desserts. «Nous tentons d’échapper aux pièges que la cuisine peut nous tendre aujourd’hui, soutient Nicolas Bernier. Nous voulons réapprendre à consommer de façon cohérente pour notre corps, avec autant de plaisir à préparer, qu’à servir et qu’à manger un plat en bonne compagnie.» Pour preuve, la faisselle est faite maison - «à l’ancienne» - et assortie d’une quenelle de sublimissime sorbet à la poire, à la texture délicate et à la saveur appuyée. Des lamelles croquantes du fruit complètent le premier dessert. Le second, un millefeuille de brioche au foin, est un exemple de légèreté: la finesse des tranches de brioche n’a d’égal que la rondeur de la crème au foin. La glace à l’ail noir est cependant dispensable: à quoi bon faire dans l’extravagance inutile?
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L’Appart
Rue de Bourg 29
1003 Lausanne
021 312 88 09
Horaires:
Mardi - samedi: 18h30 - minuit
Dimanche - lundi: fermé