Propos recueillis par Siméon Calame | Photos: Le Cuisinier d'Or
«La décision qui s’imposait» Il avait fait fureur lundi 5 juin 2023 au Kursaal de Berne, lorsqu’il avait remporté le titre de «Cuisinier d’Or» devant quatre autres candidats. Depuis, Shaun Rollier, chef de partie au Valrose (18/20) à Rougemont, a passé «un été difficile». Il a pris cet automne «la décision qui s’imposait»: quitter l’établissement où triomphe Benoît Carcenat depuis l’été 2021. Après le deuxième et dernier repas organisé en marge du concours du Cuisinier d’Or, le 6 novembre au Pérolles (16/20 et membre des Grande Tables de Suisse) à Fribourg, Shaun Rollier (en grande photo ci-dessus) s’est livré au GaultMillau Channel. Interview.
Shaun Rollier, où êtes-vous?
Je suis dans le train pour Genève, car je vais passer six semaines à Dubaï.
Vous reviendrez donc au Valrose juste à temps pour Noël?
Je ne reviendrai pas au Valrose, ni à Noël, ni après. J’y ai passé mon dernier service dimanche 5 novembre dernier.
Pourquoi partir, alors que vous surfez sur une vague de succès et que votre chef Benoît Carcenat a affirmé vouloir s’investir à 100% pour vos prochains concours?
Nous nous sommes quittés en bons termes et nous nous entendons très bien. Mais entre le meilleur, avec mon année à Geranium, à Copenhague, puis une année et demie au Valrose tout en préparant le concours du Cuisinier d’Or, et le pire avec la mort accidentelle de ma maman en haute montagne, tout cela a fait beaucoup d'émotions. J'ai besoin de recul pour revenir plus fort.
Vous partez donc à la plage à Dubaï?
Non, je vais surtout y faire du parachute. Une grande amie, Cornelia Mihai, multi-championne mondiale de cette discipline avec qui je partage la recherche permanente de l'excellence, va me prendre sous son aile. Ceci dit sans mauvais jeu de mots! Car j’ai envie de progresser dans ce sport. Je compte déjà une centaine de sauts à mon actif. Je cherche là encore à mieux me connaître et à me dépasser, même si le Cuisinier d’Or a déjà été une sacrée aventure personnelle et humaine.
Justement, pourquoi avoir participé à ce concours?
J'étais prêt et le timing était parfait. J’ai rencontré Benoît Carcenat il y a une dizaine d’années, lors de mon apprentissage au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, sous Benoît Violier. Nous nous sommes toujours bien entendus. Lorsqu’il a repris le Valrose, en 2021, j’étais curieux de l’énergie qu’il dégage, humainement mais aussi dans ses assiettes et ses menus. Alors, j’ai quitté le Geranium (Copenhague, Danemark, 3* Michelin, Meilleur restaurant du monde en 2022 selon le classement 50Best) en 2022 pour filer à Rougemont. C’est là que s’est présentée l’occasion de m’inscrire au Cuisinier d’Or. Benoît m’a toujours soutenu et je ne le remercierai jamais assez pour ce qu’il m’a permis de réaliser.
On imagine que la préparation, de la demi-finale à la finale, n’a pas été une mince affaire?
En effet. Il a fallu constituer une vraie équipe avec mon commis, Gabriel Lopez. Puis, surtout, imaginer mes recettes, les structurer, les retravailler, et avant tout, trouver comment innover.
Innover, c’est cela qui fait la différence?
Oui. Beaucoup de candidats pensent qu’en faisant la même chose que les gagnants, on gagnera aussi. Mais j’ai l’intime conviction que la victoire et la réussite passent par l’innovation. Toujours être un pas devant les autres. Et cela prend énormément de temps. C’est pourquoi, après ma victoire en juin, j’ai décliné la proposition de participer au Bocuse d’Or.
Cela semble fou de refuser une telle proposition. Pourquoi ce choix?
Si je m’étais lancé dans ce nouveau concours - le plus beau pour un cuisinier -, c’aurait été pour remporter la finale mondiale. Or je n’ai pas cette motivation actuellement. Je n’y serais pas allé avec la même rage de vaincre qu’au Cuisinier d’Or. Et je vois que l’équipe suisse du Bocuse d’Or se structure pour que notre pays se positionne pour décrocher la victoire finale. C’est un défi qui me plaît et auquel je réfléchirai de nouveau dans quelques mois: je ne veux pas brûler les étapes.
Vous voulez donc revenir en cuisine après vos mois «off»?
Oui bien sûr, la cuisine fait partie de mon ADN. Je ne sais pas encore où, ni quand exactement. J’y réfléchirai dès le printemps prochain. Ce qui est certain, c’est que depuis le 5 juin dernier, j'ai gagné une certaine reconnaissance pour mon travail, ce qui pourra faciliter les choses.
Revenons sur la soirée culinaire du début de semaine. Qu’avez-vous cuisiné?
Les deux soirées, à Vitznau et à Fribourg, ont été l’occasion de faire déguster ma cuisine à une multitude de personnalités. C’est une grande chance pour moi, d’autant que les organisateurs m’ont laissé carte blanche pour le menu. Je me suis inspiré des assiettes créées pour le concours. L’entrée était une déclinaison de betterave, en souvenir de la demi-finale. Le plat principal tournait autour du veau. Les saisons n’étant pas les mêmes, j’ai opté pour de la pomme de terre et des légumes hivernaux en accompagnement.
Que peut-on vous souhaiter pour les prochains mois?
D’être en pleine forme le 15 avril! Car si tout se passe comme prévu, je prendrai le départ de la Patrouille des Glaciers. Et de trouver une belle opportunité pour continuer de m'épanouir dans ma cuisine. Affaire à suivre…