Texte: GaultMillau Suisse
Des légumes, jusqu’au dessert. «Découverte de l’année» en 2018 et «Promu de l’année» en 2024, Pascal Steffen collectionne les plaquettes du GaultMillau (18 points) et du Michelin (deux étoiles) à l’entrée de son restaurant, le Roots («racines» en anglais), au bord du Rhin. Ces récompenses, il les doit à son style inimitable. En effet, le jeune Lucernois formé chez Nenad Mlinarevic à Vitznau et Andreas Caminada à Fürstenau, n’a pas de carte. Spontanée, sa cuisine évolue au fil des jours. «De mes fournisseurs je n’attends donc pas que la qualité et la régularité, mais aussi un vrai dialogue, de la souplesse et de la réactivité», explique le chef. Et comme, de l’entrée au dessert, les légumes sont centraux dans sa cuisine, son fournisseur de légumes est un partenaire-clé: «Mais j’ai de la chance, le mien est simplement top». (Grande photo ci dessus: le chef Pascal Steffen du restaurant Roots à Bâle)
Giovannini, Carcenat, Robert... Voici justement le camion de Frischer qui s'arrête devant la porte du Roots. Il fait partie d’une flotte reconnaissable entre toutes! Ses inimitables motifs d’animaux en légumes rappellent avec humour les tableaux du peintre italien Archimboldo. À bord, les meilleurs fruits et légumes de saison sont soigneusement rangés dans des caissettes: «L’un de mes cuisiniers a travaillé chez Franck Giovannini, c’est lui qui a attiré mon attention sur ce fournisseur très réputé en Suisse romande», relève Steffen. Car Frischer AG n’est autre que l’antenne alémanique de Léguriviera Groupe, le fournisseur d’une majorité de grands chefs romands: Franck Giovannini, Benoît Carcenat, Edgard Bovier, Marie Robert. Si tous ces chefs de haut vol font confiance à la même entreprise, ce n’est évidemment pas par hasard. C’est d’ailleurs parce que Peter Knogl, le chef du Cheval Blanc de l’Hôtel des Trois Rois à Bâle (19/20 et 3 étoiles, Swiss Deluxe Hotel) a voulu retrouver la qualité Léguriviera à laquelle il était habitué que l’entreprise de David Lizzola a décidé d’ouvrir une filiale en Suisse alémanique. Et le succès est au rendez-vous.
Monstre lacustre. «Tous les jours, je fais mes commandes vers 18 heures, explique Pascal Steffen. Et je sais que je serai livré le lendemain matin. Je n’obtiens ça nulle part ailleurs: même pour des produits hyper-locaux, c’est un confort et un gain de temps énorme», se réjouit-il, tout en coupant en fines lamelles un céleri lui aussi préparé comme… nulle part ailleurs. Ce céleri, Steffen va en effet le cuire au four pendant trois heures. Il tiendra la vedette dans l’une de ses insolites créations du moment: un silure du lac de Morat, une bête de six kilos! Les arêtes de ce monstre lacustre sont d’abord prélevées, puis fumées, pour imprégner une essence de poisson. Mêlée à une huile aux herbes et une tombée de crème, elle viendra nimber la chaire du silure mi-cuite au beurre noisette et coiffée de lamelles de céleri. Une fleur de coriandre par-ci, des feuilles d’amarante par-là, voici que ce plat se transforme en un jardin où pousses de petits-pois et pétales de capucines flattent le regard. Pincette à la main, le chef conclut: «Da flippt man aus!» - la folie!
Micro-leaves de Stephen à Steffen. Ces fleurs et ces pousses, encore faut-il savoir où les trouver. Pour prospecter et répondre aux exigences de chef Steffen, c’est presque son homonyme, Stephen Thomann, le responsable de Frischer AG à Bâle qui se trouve aux premières loges. Encore en phase de développement - l’entreprise n’est présente que depuis 2020 -, il sait donc que pour s’imposer dans le monde de la grande gastronomie, il doit assurer un service exemplaire. Heureusement ce jovial Alsacien a un frère cuisinier, il connaît donc les attentes des restaurateurs. Ancien sportif de haut niveau, il sait aussi que le succès implique une discipline sans faille. Et un éventail de produits rares et pointus. Un approche que Léguriviera Group a développé depuis longtemps en Suisse romande et qui se décline désormais dans les registres de la 4ème gamme, soit les produits prêts à l’emploi (lavés, pelés, découpés…). Et jusqu’à la 5ème gamme qui propose des plats finis, livrés aux épiceries fines, notamment.
Cinq générations. C’est dans les serres ultra-modernes de la famille Eschbach, maraîchers depuis cinq générations à l’orée de la ville de Bâle, que l’équipe de Stephen vient s’approvisionner en micro-pousses et en fleurs comestibles que lui demandent les chefs: «C’est Rolf Fliegauf, le célèbre chef des restaurants Giardino à Ascona et à St.Moritz qui nous a le premier demandé ces produits», se souvient Margret. Et depuis, pousses de petits-pois, capucines, bettes, mini-choux kale, oxalys, bégonias, amarante et basilic miniature s’épanouissent dans des installations dernier cri: «Il suffit qu’un chef connu poste un produit sur instagram et on ne sait plus comment faire pour répondre à toutes les demandes», explique Andreas dont l’entreprise produit aussi des légumes géantes. Voilà qui tombe bien: Pascal Steffen en est friand.
30 légumes en un seul plat. L’un des plats-phares du Roots s'appelle le Roots garden. Cette création potagère recèle pas moins de trente légumes différents! Et tous ont droit à un traitement spécial. Ainsi cette betterave géante, justement, que la brigade fait brûler pendant trois heures au feu de bois sur un grill: à la fin, il en reste une sphère de la taille d’une balle de tennis. Les poires ont droit à un traitement similaire pour accompagner le blue jersey en un tourbillon de saveurs concentrées. «Ces recettes, on les élabore ensemble avec ma brigade: on est tous des freaks, des passionnés, alors on fait des essais. Et on adore que Stephen nous apporte des nouveautés et des produits singuliers, comme les cardons genevois que j’adore, explique le chef. «Mieux qu’un simple rapport entre un fournisseur et son client, avec Frischer, c’est une vraie collaboration qui s’est établie. D’ailleurs un matin, le chauffeur s’est même donné la peine de transporter dans ma chambre froide des produits qu’un autre fournisseur avait laissé devant la porte! Ça, c’est du service».
Photos: Julie de Tribolet