Pourquoi aller en République tchèque, à Brno, pour le Concours mondial de Bruxelles* alors qu’il y a des manifestations similaires en Suisse, type Grand Prix du vin suisse?

Simplement parce que cela permet au vin suisse d’exister sur la carte mondiale du vin. Il ne faut bien sûr pas se limiter à une optique d’export: on restera un marché de niche. Mais il est important d’obtenir une reconnaissance internationale et d’ancrer des notions liées aux cépages et/ou aux terroirs helvétiques: petite arvine, gamay, pinot noir, chasselas, cornalin peuvent se profiler en véritables marques suisses. Mais cela implique une visibilité que les concours internationaux sont seuls à pouvoir offrir.

 

Quelle peut être la portée d’un concours comme le Mondial de Bruxelles?

Chaque année, le Mondial de Bruxelles regroupe entre 250 et 350 dégustateurs venus de 45 pays dans une région viticole du monde. Il s’agit majoritairement d’acheteurs, de négociants, de journalistes et d’influenceurs: c’est une fantastique caisse de résonance. Pour moi, dans ma fonction de directeur de Swiss Wine Promotion (SWP), c’est aussi une occasion unique de lier les dégustations à des opérations de relations publiques et de réseautage très prometteuses.

 

L’année passée, le Mondial de Bruxelles s’est tenu à Aigle, en Suisse. Vous étiez au centre de son organisation. Quelles ont été les retombées concrètes?

L’édition suisse, à Aigle, a rapporté l’équivalent de 2 millions de francs de retombées médiatiques. De plus, sur 9500 échantillons de vins dégustés, 600 étaient suisses. Notre pays s’est positionné en 5e place des plus grands fournisseurs de vins du concours! Cette année, à Brno, il y avait de nouveau près de 300 vins suisses. C’est remarquable, alors que nous n’étions pas le pays hôte. Un vrai succès.

 

Mais est-ce qu’après Brno (ou la Chine, où le Mondial sera organisé l’an prochain) cet effet sera encore perceptible?

Bien sûr, c’est un travail de longue haleine qui continue à porter ses fruits. La preuve: une année et demie après Aigle, la journaliste française Mathilde Hulot vient de publier une double page dans la revue La Vigne (No 333) sur les femmes vigneronnes du Valais. Une approche directement liée aux visites que nous avions organisées. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il faut donc poursuivre sur notre lancée.

 

Quelle est votre stratégie?

C’est à force de retrouver les vins suisses dans les principaux concours internationaux que les palais des dégustateurs étrangers s’y familiariseront. C’est pourquoi j’encourage les vignerons suisses à s’engager. D’ailleurs, il faut préciser que SWP centralise les échantillons et prend en charge les frais de logistique et d’acheminement des bouteilles pour trois concours internationaux: le Mondial de Bruxelles, le Decanter à Londres et les Sélections mondiales des vins Canada.

 

Quels effets la présence dans ces concours peut-elle avoir?

Ils sont perceptibles à plusieurs niveaux. D’abord, nous avons la chance, vu le nombre important d’échantillons suisses, d’avoir un prix spécial meilleur vin suisse. Pour le vigneron qui produit le vin le mieux noté, il y a une cérémonie officielle. L’année passée, pour Jean-Daniel Coeytaux, vigneron-encaveur à Yens-sur-Morges, elle a eu lieu au Palais fédéral, à Berne: inutile de préciser que son chasselas grande médaille d’or est épuisé! Puis, il y a quelques jours, à Brno, j’ai assisté à une dégustation de chasselas par un groupe de dégustateurs hétéroclite, un Tchèque, un Roumain, un Belge et un Suisse, ce qui induit des approches totalement différentes des vins. Et pourtant, nous nous sommes retrouvés unis. Ce qui atteste de la sélection très professionnelle du jury, mais surtout d’un positionnement de plus en plus clair du chasselas, un cépage encore méconnu en dehors de nos frontières, auprès des dégustateurs du Mondial de Bruxelles. Le jury a même décelé d’excellents vins, c’est très encourageant. De même, j’ai vu les syrahs et les cornalins suisses unanimement appréciés. Preuve que marteler sert à quelque chose. Il ne reste plus qu’à attendre la publications des résultats 2020 dans quelques jours.

 

* Le Concours mondial de Bruxelles a été lancé en Belgique, d’où son nom. Il s’est petit à petit imposé comme l’un des principaux concours de vins à l’échelle internationale. Chaque année, les dégustations ont lieu dans un autre pays hôte.