Placards à épices. Tous les possesseurs d'un ouvrage signé Yotam Ottolenghi le savent: l'auteur anglo-israélien fait souvent appel à des condiments aussi exotiques que mystérieux. Conscient du problème, il consacre même plusieurs pages de son best-seller «Simple» aux essentiels à toujours avoir dans ses placards. C'est ainsi que les Occidentaux se sont mis à rechercher zaatar, sumac, harissa à la rose ou encore tahini.
Effet Ottolenghi. Maeva Rossier du Monde des Epices à Payerne (VD), boutique spécialisée qui fournit parmi les plus grands chefs dont Franck Giovannini, confirme que depuis quelques années, herbes et épices du Levant ont la cote, avec des ventes en progression et davantage de demandes des clients curieux. À l'occasion de l'ouverture du restaurant Ottolenghi le 30 janvier à Genève, GaultMillau a fait le point sur la question avec cette experte des herbes et épices. (Grande photo ci-dessus: Yotam Ottolenghi)
Le sumac, touche de fraîcheur. Fruit d'un arbuste du même nom, «le sumac est une petite baie rouge [le terme dérive de l'arabe «summaq», rouge, ndlr] qu'on récolte à la fin de l'été, éclaire Maeva Rossier. Généralement, elle est séchée et réduite en poudre». Le sumac apporte un petit twist frais à des plats aux saveurs complexes. Dans son récent ouvrage «Comfort», Yotam Ottolenghi en utilise ainsi dans un beurre fondu au piment d'Alep, qu'il verse sur du riz chaud, avec une touche de citron. Mais le sumac a aussi sa place dans les desserts! Dans «Jerusalem», il en saupoudre sur des fraises rôties caramélisées. Quant à Maeva Rossier, elle a sa propre astuce: mettre un peu de sumac dans une compote de pommes très douce, pour en relever la saveur.
Saumon au zaatar et tahini, avec une touche de sumac: difficile de trouver plus représentatif de l'univers de Yotam Ottolenghi!
Le sumac apporte une touche de fraîcheur aux salades, notamment dans ces tomates aux oignons et pignons de pins.
Incontournable zaatar. Le zaatar peut prêter à confusion. En langue arabe, il désigne une famille d'herbes aromatiques englobant le thym, la sarriette, le serpolet ou encore la marjolaine. Pour Yotam Ottolenghi, zaatar renvoie à Origanum syriacum, ou origan de Syrie, une herbe aux notes de cumin, citron, sauge et menthe. On peut consommer ses feuilles fraiches en salade avec des tomates, du citron et des oignons nouveaux, ou encore en les incorporant à une pâte à pain avant cuisson. Mais en dehors de Moyen-Orient, le mot zaatar est plutôt utilisé pour nommer un mélange d'herbes et d'épices. Chaque pays, chaque région, voire chaque famille a sa propre variante du zaatar, dont les dénominateurs communs sont souvent le sésame, le sumac ainsi que des herbes (qu'on appelle aussi zaatar, donc).
Dès le petit-déjeuner. Le zaatar du Monde des épices est à base de «sésame doré torréfié, de sumac, pour une touche de fraîcheur, et de thym», décrit Maeva Rossier. Incontournable de la cuisine libanaise, le zaatar se consomme dès le petit-déjeuner, saupoudré sur des manouché ou du pain, avec de l'huile d'olive. Le chef Ottolenghi en utilise très souvent, par exemple sur des pommes de terre croustillantes au romarin. Il ose même un cacio e pepe au zaatar, qui ajoute une fine couche de saveurs végétales à ce classique italien. Original!
Le zaatar apporte une touche végétale herbacée dans ce cacio e pepe!
Pas besoin de faire compliqué: le zaatar s'utilise tel quel dans ces pommes de terre croustillantes au romarin et salsa verde.
Ode aux épices. Outre ces deux mélanges incontournables, le chef fait souvent appel à la harissa à la rose. «Cousine romantique de la harissa», comme il la décrit lui-même, elle développe des notes florales aromatiques de rose, mais aussi de paprika fumé et de poivrons grillés. Ottolenghi l'utilise dans des marinades pour le poulet, mais aussi dans les ragoûts et dans certaines soupes. L'ail noir fait également partie de ses «petites bombes aromatiques» habituelles de ses recettes. Sans oublier, bien sûr, le tahini, une purée de graines de sésame indispensable à la réalisation du houmous et de sauces, le dukkah (un mélange d'épices et de noix broyées), ainsi que les citrons confits, qui amènent toute la fraicheur de l'agrume, l'acidité en moins. Cuisiner avec Ottolenghi, c'est découvrir de nombreuses nouvelles épices… mais aussi redécouvrir des classiques et vider ses vieux bocaux. Car lorsqu'on lui demande laquelle de ces épices il emporterait sur une île déserte, sa réponse fuse: les graines de cumin. La simplicité, ça a du bon.
(Photos: Dukas, DR)