Un perfectionniste doublé d’un vrai talent. Il élabore des desserts millimétrés, d’une beauté remarquable et d’un équilibre parfait. C’est lui qui, du haut de son 1m97, survole l’espace dédié à la pâtisserie dans les cuisines anthracite du luxueux hôtel The Woodward, à Genève, avec ses deux restaurants, L’Atelier Joël Robuchon (17/20) et Le Jardinier (15/20), ainsi que le Comptoir Woodward, sa pâtisserie en ville. À 32 ans, Titouan Claudet vient d’être promu «Pâtissier de l’année» dans la nouvelle édition du GaultMillau 2025. Depuis trois ans, il supervise une brigade dédiée de six professionnels: il a l’œil à tout et rien ne lui échappe. Aucune gouttelette et aucun carafon ébréché ne passent inaperçu: il faut dire que ce talentueux jeune homme né à Besançon et passé chez Bernard Loiseau, Benoît Charlet chez Georges Blanc, Sébastien Voxion, Marc Haeberlin et Anne-Sophie Pic. Il est un perfectionniste, doublé d’un vrai talent. Les clients attablés au bar peuvent d’ailleurs le voir à l’œuvre, lorsqu’il dresse ses assiettes à l’aide de pochoirs qu’il a lui-même dessiné.

Titouan Claudet

À l’instar de cette création dans l’esprit d’un tiramisù, chaque dessert demande une multitude de gestes.

Titouan Claudet

D’abord le pochoir…. Puis la structure, les différentes masses et le décor…

Titouan Claudet

Enfin, la finition qui souvent se fait à la table.

 

Pourquoi pas la cuisine? Voyez ce dessert cent pour cent chocolat, rehaussé de cardamome noire et accompagné d’un jus de coa, mucilage de cacao: pour le monter, Titouan manie la poche à douille avec une précision d’orfèvre. Et pour les finitions, il sort son objet fétiche, une spatule portant l’emblème d’Anne-Sophie Pic pour qui il a travaillé à Lausanne. Autre objet fétiche qu’il porte toujours au poignet: sa montre Casio. «La honte, quand on travaille en Suisse. Mais depuis que j’ai reçu la première, je me sens nu quand je n’en porte pas», au point qu’il s’est mis à les collectionner et en possède aujourd’hui une vingtaine. Et pourtant, adolescent, il se voyait plutôt introverti et sans passion. Il pensait devenir avocat ou psychologue avant de réaliser que ces professions étaient incompatibles avec son caractère. C’est le jour où il a réalisé qu’au fond, sa famille était épicurienne, qu’il s’est dit: «Pourquoi pas la cuisine?». À l’évidence, c’était la bonne direction.

 

Avant la pâtisserie, la cuisine. Ses parents, eux, lui conseillent d’abord de passer son bac. Puis, il obtient son BTS en hôtellerie et restauration, centré sur l’art culinaire et de la table, «mais pratiquement sans pâtisserie, avoue-t-il. Du coup, je n’ai pas de diplôme en pâtisserie!». Ce qui n’ôte rien à sa passion et à son envie de se perfectionner: «J’ai tout fait pour passer en pâtisserie, car cette discipline demande de l’anticipation et un sens du dressage. Et ça me convient». Tout naturellement, il s’épanouit  donc aux côtés de ses mentors, Benoît Charlet, puis Sebastien Voxon. Jusqu’au Covid. Tout s’arrête: «Je m’ennuyais! Mais j’ai vu qu’en Suisse le déconfinement était plus rapide. Alors, j'ai postulé» Où? Chez Anne-Sophie Pic à Lausanne. «Un lieu exceptionnel où j’ai perfectionné ma maîtrise, ma justesse et mon grain de folie avec le chef pâtissier, Thibaut Honajzer». Mais un an plus tard, il rencontre Olivier Jean, le chef du nouvel Atelier Robuchon, à Genève. Le courant passe et Titouan postule… Sans savoir quelle surprise l’attend.

Titouan Claudet

En construction, un magnifique dessert à la figue, à la feuille de figuier et à l’huile d’olive.

Titouan Claudet

Une fois terminé, le dressage est millimétré.

 

Insuffler un vent nouveau à Genève. «Quand Olivier Jean m’a appelé pour me dire que j’étais pris, j’ai été ravi. Mais quand il a précisé que c’était comme chef, avec la mission de manager une équipe et d’insuffler un vent nouveau à Genève, j’ai douté de moi». Il se souvient ne pas avoir beaucoup dormi pendant les semaines avant l’ouverture. Mais, ça n’a pas duré longtemps, puisqu'un mois plus tard, il commençait, avec le succès que l’on sait: «Je sais que je ne revivrai jamais ça ailleurs. C’est une aventure! Et Olivier Jean est mon troisième mentor. Il me laisse une grande liberté et m’offre un dialogue très constructif. Je suis comblé».

 

Bains dans le lac en toute saison. Comblés, les convives de l’Atelier Robuchon le sont aussi. Alors que le restaurant vient de gagner deux points d’un coup dans l’édition 2025 du GaultMillau, ils s’émerveillent en fin de repas d’apprêts géométriques et contemporains, merveilleusement gourmands et délicats, et surtout, jamais inutilement compliqués. Ce magnifique dessert à la feuille de figuier et à l’huile d’olive, par exemple, flanqué d’une figue rôtie, un aboutissement: «Je tiens à me démarquer par une certaine sobriété, une élégance créative et, surtout, par des goûts évocateurs de souvenirs, comme les madeleines de Proust». En fait, il ne cherche pas à révolutionner la pâtisserie, mais à sublimer les produits. Mission accomplie pour ce jeune homme au regard pétillant et à la silhouette longiligne, qui, quand on lui demande ce qu’il fait durant son temps libre, répond sans hésitation: «Je mange!». Ce qui ne l’empêche pas d’aimer les défis: il se baigne dans le lac en toute saison, tente le semi-marathon, pratique le ski et la randonnée, sans oublier d’aller à la salle de musculation. Et dans dix ans, il se projette volontiers à la tête d’un restaurant sucré. Timide et sans passion, vraiment?

 

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