Elle ne s'arrête pas de sourire. Jeudi 17 janvier, vers 22 heures 30, Alba Farnos Viñals termine son service et sort de sa cuisine et entre dans la charmante salle boisée du restaurant de l'Auberge de l'Abbaye de Montheron (VD), au cœur des Bois du Jorat. «C'est un immense bonheur d'être enfin installés dans notre restaurant, c'était un long chemin mais nous y sommes!», sourit la jeune cheffe, qui semble plus qu'épanouie dans l'établissement qu'elle vient de reprendre avec son compagnon Paul Marsden, sommelier à l'exquis accent anglais (les deux sont en grande photo ci-dessus). Après le départ, en décembre, de Rafael Rodriguez (16/20 et une étoile verte au guide Michelin), l'arrivée du couple était attendue. Alors, qu'en est-il de ce nouveau Montheron?

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Perdue dans les Bois du Jorat, l'Auberge de l'Abbaye de Montheron trône en maîtresse et en gardienne de ces lieux historiques.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

À l'intérieur, rien n'a changé. Le bois et la pierre se donnent la réplique dans une luminosité tamisée.

Chasselas de 1975. Second service étant, il manque de précision dans l'explication des mets et des boissons servis. Mais on se laisse bercer par ce que l'on croque dans l'assiette, comme ces amuse-bouches en contrastes, un trio de fraîcheur (du céleri branche en saumure et de betterave jaune en pickles), de réconfort (un bricelet au sarrasin, crème au gruyère et gel de chasselas) et de surprise (une croquette de bœuf Angus avec patate douce, butternut et pomme). Des amuse-bouches servis dès l'arrivée des clients, ce qui est appréciable pour les grandes faims. Les amateurs de vin prendront leur pied en lisant la sélection de flacons (Mermetus, Beudon, Anne-Claire Schott, Tom Litwan…) et s'amuseront de cette verticale de huit chasselas du Clos des Abbayes, en Lavaux, de 1975 à 2022.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Les amuse-bouches: croquettes, bricelet gruyère-chasselas et légumes.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Radis, riz, trévise, monarde et verjus.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Omble de fontaine, fenouil, safran et fée verte.

Personnalité culinaire. Ce qui frappe, tout au long du menu, c'est le style culinaire très reconnaissable d'Alba Farnos Viñals, auquel on a pu goûter au Gram à Renens, puis dans d'innombrables pop-ups en région lausannoise. Entre dressages bruts et ingrédients inconnus, ses hôtes se font (et se laissent) bousculer. Dans l'assiette (avec ce tartare d'avoine, crème de topinambour et baie d'aronia, ou ce radis infusé à la monarde, son eau de riz, son gel de monarde et sa trévise à l'huile), mais aussi dans les boissons sans alcool (kéfir à la monarde et cynorrhodon, kombucha au thé olong, cocktail amaretto et vin rouge désalcoolisés…) peut-être un peu trop douces tout au long du repas. Pour grignoter, on goûte le pain au levain (selon la recette de la maman d'une des cuisinières) et son beurre aux orties, complété d'une huile de colza au sapin.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Bœuf Angus, cardon, sarriette, ail noir et moëlle.

Auberge de l'Abbaye de Montheron Alba Farnos Viñals

Courge, camomille, yaourt de brebis et graines de courge.

Catalogne ou Romandie? Le menu (en cinq ou en sept plats) fait des clins d'œil réguliers à la Catalogne, terre d'origine de la cheffe, de manière technique ou symbolique, dans les dressages. Mais cette dernière, membre de l'alliance des chefs Slow Food, a à cœur de valoriser les produits du terroir vaudois et romand. Ainsi, le lard du Valais et son chou, en bouillon et en anolini (mini ravioli). Mais aussi la raisinée, que l'on déguste en excellent jus avec un morceau de bœuf black angus, un sabayon à l'os à moelle et cardons, et des légumes braisés. L'omble de Chamby est marié au croquant fenouil cru et à un beurre blanc à la fée verte et au safran du Jorat. 

 

Business lunch gourmet. Servi en deux assiettes, le dessert est un hymne au sylvestre hiver. Le tartare de butternut et de potimarron au sirop de camomille, aussi décliné en sorbet déposé sur un yaourt de brebis, s'acoquine d'un gâteau moelleux à la courge, son praliné de graines et sa douce purée. À vingt minutes du centre de Lausanne, Montheron se profile comme une grande table pour des dîners d'exception, mais aussi comme halte gourmande pour un déjeuner entre collègues. Car oui, Alba et Paul servent un menu du midi en trois plats à 58 francs (ou en cinq à 95 francs). Imaginez-vous ce printemps, le dégustant sur la terrasse devant le mignon jardin, en pleine forêt. On peut se réjouir!

 

L'Auberge de l'Abbaye de Montheron

 

Photos: Aniket Godbole, Siméon Calame