Meilleur sommelier de Suisse. Dimanche 6 avril, Mikaël Grou a passé une journée tout ce qu'il y a de plus normale, profitant du soleil avec son épouse Irene et jouant au foot avec son fils Elliot, trois ans. Et pourtant, le chef sommelier de l'hôtel Beau-Rivage, à Genève, aurait légitimement pu la passer à fêter. Car la veille, cet homme de 35 ans a été désigné «Meilleur sommelier de Suisse» à l'issue du concours éponyme qui s'est tenu à la Haute école de viticulture et d'œnologie de Changins (VD). Organisé par l'Association des sommeliers suisses professionnels (ASSP) en partenariat avec Swiss Wine, cet événement bisannuel a mis aux prises une douzaine de candidats. Un triomphe pour Mikaël Grou, pour qui ce concours «est le plus beau remporté jusqu'ici». Car ce n'était - de loin - pas le premier auquel il a participé.
(Grande image ci-dessus: Paolo Basso, meilleur sommelier du monde 2013, donne son diplôme à Mikaël Grou)

Meilleur sommelier de Suisse Mikaël Grou sommelier du Beau-Rivage à Genève

Les quatre finalistes du Meilleur sommelier de Suisse, de g. à d.: Mikaël Grou, Domenico Quatela, Tony Lécuroux et Jenifer Badino. Pour prendre part au concours, il faut travailler dans un restaurant suisse depuis deux ans.

Le «Poulidor» de la sommellerie. Plus jeune, ses amis le surnommaient «Poulidor», et «il y a de quoi», sourit Mikaël Grou, nœud papillon coloré au cou. Comme le coureur cycliste, il avait en effet pris l'habitude de finir souvent deuxième. Deuxième meilleur élève sommelier du Val-de-Loire en 2008, troisième de France l'an suivant, deuxième meilleur jeune sommelier du monde en 2017, deuxième meilleur sommelier de France en 2022… Seuls le prix du Meilleur jeune sommelier d'Australie 2017 et le Prix Gaggenau International Sommelier Awards en 2018 lui ont fait voir la vue depuis la plus haute marche du podium. L'homme à la barbe impeccablement taillée est un travailleur acharné et fait preuve d'une curiosité sans pareille pour le vin. Et pourtant, chez ses parents à Rennes, le vin était chose rare.

Meilleur sommelier de Suisse Mikaël Grou sommelier du Beau-Rivage à Genève

«Un sommelier doit surtout connaître les vins qu'il n'a pas en cave» C'est ce mantra qui guide l'apprentissage de Mikaël Grou.

Merci Gilbert! «Il n'y avait pas de vin à la table familiale, sauf pour les grandes occasions, se souvient Mikaël Grou. On ouvrait les bouteilles que mon grand-père rapportait de ses vacances.» Mais c'est Gilbert, un ami proche de sa mère et commercial en vins, qui l'a progressivement habitué à la gastronomie, notamment en l'emmenant dans de grandes tables. C'est ainsi qu'est née une vocation, celle de devenir «chef étoilé».

 

Un bosseur né. Ce rêve et cette ambition n'ont toutefois pas plu à tout le monde. «Les professeurs du lycée hôtelier de Dinard m'ont ri au nez quand je leur ai dit cela», continue Mikaël Grou. C'est en arrivant en 2003 dans cet établissement en Bretagne qu'il a fait la connaissance de Christian Stévanin, enseignant de sommellerie et de service. «Avec lui, le service en salle était un spectacle permanent», sourit le sommelier. Flambages, découpes, décantages… l'homme captive l'adolescent et l'initie aux vins des domaines de la Loire. 

Meilleur sommelier de Suisse Mikaël Grou sommelier du Beau-Rivage à Genève

C'est dans cette salle de la Haute école de viticulture et d'œnologie de Changins qu'a eu lieu la demi-finale du concours suisse.

Au George V à contrecœur! Amateur de vins natures à l'époque, Mikaël Grou dépose une demande de stage dans une cave parisienne spécialisée, refusée par son professeur, qui l'envoie au George V en été 2008. Le jeune homme se rend à contrecœur dans le palace parisien. Il y est resté sept ans.

 

Découverte du vignoble suisse. Désireux de voyager et d'apprendre d'autres cultures, Mikaël a ensuite multiplié les expériences, entre Paris, l'Australie et Londres, avant d'être contacté par le Beau-Rivage en 2019. Il passe son entretien d'embauche le premier jour de travail de Mathieu Croze, l'actuel chef de cuisine du restaurant du palace, le Chat Botté. Une coïncidence devenue source de grande complicité pour les deux hommes. Depuis Genève, il apprend à connaître le vignoble suisse. «Je découvre ici des domaines à la structure très différente de ce que je connaissais, explique-t-il. Les vignerons peuvent avoir 23 cépages et encore plus de cuvées différentes!» C'est cette curiosité et ces connaissances qui permettent à Mikaël Grou d'aborder le concours du weekend dernier avec davantage de confiance qu'en 2021, lorsqu'il avait terminé deuxième. Cette année, il s'est donc assuré la victoire au terme de deux jours d'épreuves théoriques et pratiques, avec service et dégustation.

 

Il plébiscite le thé. À l'écoute d'autres boissons que le vin, sans toutefois être un grand aficionado des boissons désalcoolisées («sauf la bière»), Mikaël Grou plébiscite le thé, qui «présente des tanins et des aromatiques semblables au vin, grâce à la notion de terroir, très présente dans la culture du thé».

Chat Botté

Lors des travaux au Beau-Rivage à Genève, l'espace dédié aujourd'hui au Chat Botté sera transformé en un spa de luxe.

De grandes émotions. Lorsqu'on lui demande ce qu'il a ressenti lors de l'annonce de son titre, Mikaël Grou dit avoir pensé à son ami Gilbert et son mentor Christian Stévanin, mais aussi à ses collègues du Beau-Rivage. Tout en humilité, Mikaël Grou se réjouit de la suite. Pour devenir Meilleur ouvrier de France un jour? Ce n'est pas dans ses projets. Son avenir va continuer à s'écrire dans le Swiss Deluxe Hotel du bord de la rade, malgré les dix-huit mois de travaux à venir.

 

Le restaurant le Chat-Botté à l'hôtel Beau-Rivage à Genève

 

Photos: Jérôme Favre, DR