Chaque samedi de l'été, un chef nous raconte une anecdote de carrière. Drôle, éprouvante ou triste, mais toujours sincère! Retrouvez ici la première anecdote de Romain Paillereau et la seconde de Franck Reynaud.
Pour ce troisième épisode, place à Benoît Carcenat, chef de la Table du Valrose (Rougemont, 18/20, membre des Grandes Tables de Suisse).

Un sacré premier client. «Nous sommes le 23 juillet 2021 et ce soir, c'est le premier service. Comme lors de toute ouverture de restaurant, le stress est palpable, et je ne fais pas exception. Il faut dire que dès le début, nous avons mis de grands moyens pour que l'expérience soit parfaite dans tous les domaines, du service à la cuisine en passant par le mobilier, la vaisselle, la décoration... Alors, il n'y a pas le droit à l'erreur. Pour couronner le tout, qui vient dîner ce premier soir? Le rédacteur en chef du GaultMillau Suisse romande, Monsieur Knut Schwander, accompagné de son fils. Ils sont les tout premiers clients et tout ne se passe pas comme prévu...

Carte 18 été 2024 Benoît Carcenat Valrose Rougemont

Petits pois de la Ferme du Potag'Œx, caviar, capucine du jardin, crème crue.

Les amuse-bouches n'étaient pas prêts! Monsieur Schwander avait réservé pour 19h30, mais voilà qu'ils arrivent à 18h45, en précisant devoir repartir avec le train de 21h45, l'un des derniers qui permet des correspondances à Montreux. Ça pose le cadre: trois heures pour le menu en sept plats, c'est faisable, mais il faut garder un œil sur la montre. De plus, les amuse-bouches n'étaient pas encore prêts! Il a fallu accélérer, mais le repas s'est bien déroulé pour lui, et notre prestation l'a enthousiasmé, me précise-t-il. Un ouf de soulagement, avant qu'un autre client ne fasse des siennes.

Carte 18 été 2024 Benoît Carcenat Valrose Rougemont

Pagre rose de Noirmoutier: semi crudo, sauce Chauron, fenouil pluriel, wonton des ventres. L'une des entrées de la carte estivale actuelle du Valrose. 

Carte 18 été 2024 Benoît Carcenat Valrose Rougemont

Cochon fermier de la tête aux pieds, cerises Burlat, betteraves, verveine, jus carmin.

Des pizzas au Valrose? Pourquoi pas. À une autre table, les clients veulent manger à la carte. Mais nous n'en avons pas. Ils ne comprennent pas, alors l'homme se lève et fait les cent pas dans le restaurant, téléphone à l'oreille. Il appelle une pizzeria de Gstaad pour commander des pizzas à livrer à son chalet! L'homme parle fort pour que tout le monde comprenne bien qu'il est énervé, mais lui et sa compagne quittent assez rapidement l'établissement. Aujourd'hui, ce sont des habitués qui se laissent guider à la Table et avec qui tout va bien. Je me souviens avoir dit à ma brigade: «Il va falloir travailler, car certains préfèrent une pizza au chalet à un repas au Valrose.» On en a tous rigolé au moment de débriefer la soirée, mais c'est vrai que ces deux personnes, l'un au sommet de la gastronomie et l'autre qui désirait une simple pizza, m'ont beaucoup marqué.»

 

>> www.valrose.ch

 

Photos: Olivia Pulver, Hôtel Restaurant Valrose