Photos: Sedrik Nemeth
Brûlé? «Chou brûlé et sauce aux trois caviars»: l’intitulé vous laisse songeur? Ceux qui ont goûté ce plat à l’Hôtel des Trois Couronnes, ont cependant tous adoré. Il s’agit d’une création signée Vladimir Mukhin, l’un des chefs les plus en vue de Moscou. Il était de passage à Vevey pour concocter un repas de soutien au Septembre Musical. Un menu à six mains, composé avec Franck Giovannini et Lionel Rodriguez, le chef de l’hôtel. Une agape servie dans un cadre exceptionnel et destinée à un parterre de musiciens et de personnalités (Henri Dès, Pascal Couchepin), de célébrités et de grandes fortunes russes. Il faut dire que le Septembre Musical se présente sous un nouveau jour, avec – c’est une révolution - un thème annuel. Cette année, vous l’aurez deviné ou lu, c’est la Russie qui est à l’honneur.
Trio créatif: Vladimir Mukhin, Lionel Rodriguez et Franck Giovannini font chanter les légumes.
40° à l’ombre. Revenons en cuisine. Une vraie fournaise (ici, pas d’induction!), où les trois chefs et leurs brigades s’apprivoisent et travaillent, dégustent et échangent. Franck est venu avec d’étourdissantes bouchées de foie gras apéritives. C’est lui qui a signé aussi le plat principal. Une pièce de bœuf d’une grande élégance qui rend hommage à la tradition de Crissier, avec son dressage millimétré et son accompagnement de figues acidulées au vin de Lavaux. Un délice. Un style totalement différent de ce que propose le chef de Moscou. Complètement différent aussi des notes méditerranéennes de Lionel Rodriguez qui a fait déguster aux trois brigades ses foies gras millésimés.
Echanges. «C’est toujours passionnant de voir comment travaillent les autres» se réjouit Franck Giovannini qui découvre l’étonnant gril japonais en fonte, en forme d’œuf, qui sert à carboniser le chou. De son côté, Vladimir Mukhin a découvert le marché à la ferme, le gruyère «caramel» et les chasselas exceptionnels de Louis-Philippe Bovard : «Le meilleur accord que j’ai eu l’occasion de goûter!» lance le chef. Excellent communicateur, il raconte son plat de chou comme une fable: «Tout a commencé avec l’embargo sur l’import de produits étrangers: on a été obligés de se concentrer sur les produits russes. Alors je me suis inspiré des plats de la campagne. Et je les ai réinventés. Ce chou, par exemple, c’est un produit très simple, un ingrédient de pauvres. A l’inverse, le caviar et sa sauce au champagne sont emblématiques du plus grand luxe. Nous avons choisi de les réconcilier en un seul plat.» Le résultat est bluffant. Tout comme son lard végane fait avec de la crème de coco!
Vins somptueux. Repas de soutien oblige, c’est la générosité du prince Robert de Luxembourg, propriétaire notamment de Château Haut-Brion, qui a permis d’associer au repas des vins à la hauteur. Pour les présenter et les servir, trois professionnels de talent: Jocelyn Verny, le chef sommelier des Trois Couronnes, Morgane Porchet (Major Davel, Cully), Florent Bzik (ex-Lausanne-Palace).
Stars. A Moscou comme à Crissier, les deux chefs jouent à guichets fermés presque tous les jours. L’Hôtel de Ville clôt un été très dense et s’apprête à empoigner le tourbillon de la saison de la chasse. De son côté, le White Rabbit sert 250 à 350 couverts par jour et son chef gère, avec ses frères, 23 restaurants en Russie. Sur Netflix, Vladimir Mukhin a fait un tabac dans le monde entier. Mais pour ce cuisinier de 35 ans, l’essentiel est ailleurs: «Je déteste la starification des cuisiniers. Nous sommes des bosseurs, laborieux, au service de la cuisine. C’est elle le centre, pas nous.»
