Fermer l’Hôtel de Ville, qui affiche salle comble tous les jours avec des clients du monde entier, comment cela s’est-il passé?

La fermeture a été compliquée. Le samedi, à 17 h 30, on a reçu un e-mail nous imposant des distances entre les tables, ce qui n’est pas un problème chez nous, mais aussi entre les convives, ce qui est déjà beaucoup plus difficile à mettre en place. Surtout, on nous demandait de fermer à 22 heures. Imaginez! C’était la guerre. Les clients voulaient le menu complet, mais à 21 h 45, deux policiers étaient à la porte pour vérifier que nous allions respecter la consigne horaire. Il a fallu parfois déposer deux plats en même temps devant les clients – impensable en temps normal! – puis faire les additions en urgence. Mais les clients ont compris la situation. Il n’y a eu qu’un service comme ça. Après, il a fallu fermer.

 

Et qu’avez-vous fait de tous les produits?

Heureusement, le lundi, nous sommes fermés, donc nous n’avions pas d’arrivages prévus le jour de la fermeture. Puis on a distribué aux collaborateurs la majorité des produits frais, fromages, agrumes et légumes… Le caviar, lui, se garde!

 

Vous qui vivez toute l’année à 200 à l’heure, que faites-vous de vos journées?

En fait, le restaurant continue à me prendre du temps. C’est une drôle de situation: ce n’est pas le travail, mais ce ne sont pas des vacances non plus. Je suis sur place tous les jours, même si c’est fermé.

 

Que faites-vous au restaurant, puisqu’il est fermé?

Il y a beaucoup de paperasse. De plus, j’ai eu la réunion du conseil d’administration, où j’ai dû me rendre seul, donc me préparer à répondre à toutes les questions en autodidacte! On apprend tous les jours… Mais les deux comptables sont toujours sur place. Il faut tout contrôler et tenter de limiter les frais. Il a aussi fallu gérer et annuler les réservations et les événements jusqu’en mai.

 

En cuisine, il ne se passe plus rien?

La semaine passée, il y a eu les préparatifs pour les paniers gourmands distribués dans les hôpitaux. Elodie, qui donne les cours, m’a aidé; la taille de la cuisine permet de respecter les distances de sécurité. Mes deux enfants aussi m’ont donné un coup de main pour emballer 1500 boîtes de chocolat…

 

Vous êtes quand même un peu à la maison?

Oui, j’ai du temps à la maison, je  profite de la famille: c’est le côté positif. On range, on joue, on jardine et… on cuisine. Et même si je ne suis pas un grand sportif, tous les jours, je sors une heure ou une heure et demie. J’ai la chance de vivre près de la nature. Alors je cours et je fais des balades, le but étant de ne pas prendre 25 kilos à force de bons repas et d’apéros! J’essaie même de perdre un peu de poids… on ne sait jamais.

 

Et les collaborateurs, comment vivent-ils cette situation?

Je reçois beaucoup de messages et nous restons en contact, notamment grâce à un groupe WhatsApp que nous avons créé. Heureusement, personne n’est malade. Et ce qui fait chaud au cœur, ce sont les nombreux messages que nous recevons des clients qui se réjouissent de revenir: on ressent un véritable amour, c’est très gratifiant!  

 

Et comment envisagez-vous la réouverture?

J’espère surtout que nous serons avertis à l’avance. Parce qu’il nous faudra au moins quatre jours de préparatifs. Après des semaines de fermeture, Il faudra tout renettoyer, faire les commandes et lancer la nouvelle carte. D’ailleurs, ce sera une première: on lancera la nouvelle carte sans avoir pu mettre les choses en place et s’exercer au restaurant. Un défi.

 

La prochaine carte est donc déjà en préparation?

La carte de printemps était prête. Mais aurons-nous l’occasion de la mettre en place? Si le restaurant rouvre début juin, j’écrirai une nouvelle carte. Car à chaque fois, il faut former les collaborateurs. Donc on ne va pas lancer une carte pour quinze jours. Mais travailler à la prochaine carte ne va pas de soi, puisqu’il est impossible de savoir de quels produits nous disposerons. Ce qui vient de Suisse, l’essentiel donc, ne devrait pas poser de problème. En revanche, les produits de la mer, surtout si la France reste confinée plus longtemps, ce sera autre chose. A l’heure actuelle, il n’y aucun moyen de savoir ce qu’on pourra obtenir.

 

Et si la crise dure?

Nous n’avons pas mis en place de take-away, une formule difficile à concilier avec notre style de cuisine. Mais si cette situation se prolonge, on lancera sans doute la boulangerie à l’emporter et une offre de plats adaptés à la livraison, soupes, terrines… J’espère surtout que la situation va se normaliser. Dommage, c’était parti pour être une super année…