Enfin chez lui. «Je ne pouvais plus utiliser mon téléphone portable, j'ai dû l'éteindre», déclare Danny Khezzar avec un sérieux qui contraste avec son rire malicieux et désormais légendaire. Au soir du jeudi 2 janvier 2025, le chef du Bayview (18/20, Président Wilson, Genève, membre des Grandes Tables de Suisse) a en effet été submergé de messages et d'appels. Pourquoi? «Simplement» parce que le protégé de Michel Roth venait d'annoncer sur Instagram l'ouverture prochaine (pour la St-Valentin si tout va bien) de son bistrot à Rueil-Malmaison, à une dizaine de kilomètres du centre de Paris. Intrigués, nous l'avons contacté pour en savoir plus. Le chef rappeur nous a répondu depuis Dubaï, en toute transparence et détaillant volontiers ce projet qui emballe les foules.
(Grande image ci-dessus: le restaurant vu de l'extérieur, entouré de son nuage [voir plus bas], et le chef Danny Khezzar)

 

Danny Khezzar, vous annoncez ouvrir votre bistrot à Rueil-Malmaison. Vous quittez donc le Bayview?

Oh non! Je me ferais tuer si je quittais le Bayview. (rires) J'aurais beaucoup de mal à quitter le Président Wilson et Genève. Ce restaurant fait partie de moi, j'y ai tout appris et j'y passe beaucoup de temps, malgré ce que l'on peut penser de par mes différents voyages. Cette future ouverture en Île-de-France, c'est une manière d'accueillir mes convives chez moi, dans mon bistrot. L'idée me trotte dans la tête depuis quelques mois voire quelques années: donner la possibilité aux gens de goûter ma cuisine, simplement. Et après quelques restaurants éphémères dans lesquels j'ai pu attester de la demande envers mes projets culinaires, me voici enfin chez moi.

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Durant les travaux, Danny Khezzar s'amuse!

 
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À la fin, un chef heureux! Il a même ouvert une page Instagram nommée «Projet secret»…

Mais comment gérer simultanément deux établissements aussi demandeurs?

C'est énormément de sacrifices. Pas de weekends, pas de vacances. Mais le Bayview est fermé dimanche, lundi et mardi midi - et nous aimerions peut-être fermer le mardi soir aussi, pour récupérer -, ce qui permet d'avoir des journées entières à Paris. Les trajets Genève-Paris, que je réalise déjà très fréquemment, me permettent de travailler mes cartes sans être dérangé, sans téléphone. Et, cerise sur le gâteau, de vérifier la qualité de la nourriture servie à bord des TGV Lyria (rires). Car je ne l'ai pas encore annoncé officiellement, mais j'ai été choisi pour signer les cartes du TGV Lyria de Paris à Lausanne, Genève et Zürich.

 

On imagine que vous pourrez aussi compter sur des équipes «au taquet» pour vous épauler?

Oui, clairement. C'est l'une de mes forces, d'être entourés de cuisiniers sur qui je peux m'appuyer pour gérer le quotidien des cuisines. Pour ce nouveau bistrot, je fais confiance à des personnes avec qui j'ai déjà collaboré dans mes restaurants éphémères, voire de Genève.

 

Une confiance entière pour gérer un restaurant, un peu comme Michel Roth avec vous?

Oui, d'une certaine manière. Mais je ne suis pas encore prêt à donner une confiance aveugle comme celle que le chef avait en moi. Je suis peut-être encore trop jeune. Mais la comparaison est justifiée, car il y a avec ce projet une idée de transmission, de formation, qui me tient vraiment à cœur. Quand je vois le nombre de personnes qui m'écrivent parce qu'elles souhaitent travailler avec moi, c'est fou.

Bayview, President Wilson, Genf

La vue depuis la salle du restaurant Bayview, au Président Wilson à Genève. Quel nom bien trouvé!

Dans l'assiette, de nouveau du grand gastro?

Non, je ne cherche pas à faire un second Bayview, au contraire. À Genève, nous sommes dans le show sur assiette, dans la recherche du dressage parfait, de l'élégance avant tout. À Paris, je veux un bistrot sans chichis, un lieu où on peut déguster une cuisine décomplexée. Peut-être pas jusqu'à jeter les ingrédients dans l'assiette, mais en simplicité. Cependant, cela n'empêche pas de retrouver des associations de saveurs telles que celles que l'on travaille au Président Wilson. Elles seront juste présentées différemment. Et nous ne parlons ici que de la cuisine, car il y a le reste.

 

Dites-nous en plus.

À côté de la cuisine, vous le savez, je vis pour la musique. Et puisque j'ai envie que ce bistrot soit comme chez moi, je vais en faire un lieu de vie où pourront se rencontrer divers arts: cuisine, mixologie, musique, humour… Nous avons placé un piano à queue au centre du restaurant et j'aimerais pouvoir proposer de la musique en live tous les jours - car nous devrions être ouverts sept jours sur sept. Une chose à laquelle je réfléchis aussi de plus en plus concrètement, c'est l'instauration de brunchs humoristiques. À l'instar des cabarets, pouvoir manger en profitant d'un spectacle, mais dans une ambiance un peu plus intimiste. Une sorte de Jamel Comedy Club avec cuisine de qualité à côté. Je n'ai pas connaissance d'autre petit restaurant qui propose cela, mais il y a assurément de la demande.

 

Vous évoquez la mixologie, et on peut voir sur Instagram une photo de vous et de Vincent Steiner, autour du futur bar. Vous embarquez donc votre «frère» avec vous?

Evidemment. Vince, avec qui je compose de la musique, sera responsable du bar. Il créera des cocktails dans divers styles pour profiter de chaque instant. Durant le repas, mais aussi simplement en apéritif. Je veux que mes hôtes puissent venir au bistrot à l'entame de leur soirée, pour siroter un verre et voir les lieux en se sentant légitime de le faire. Au Bayview, les personnes qui ne sont pas clientes du restaurant ne peuvent pas sentir l'atmosphère du lieu sans avoir réservé et sans manger le menu. Donnons-leur cette possibilité à Paris!

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Heureux! Danny Khezzar s'apprête à accueillir ses convives chez lui, enfin.

 
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Live music, cocktails uniques, humoristes… Tout est pensé pour faire de ce lieu une antre du plaisir artistique.

 
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Le chef du Bayview collabore avec son «frère» Vincent Steiner, qui sera en charge du bar.

 

Vous précisez sur Instagram ouvrir un restaurant «entouré d’un nuage d’eau». Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire?

J'avais envie d'un restaurant perché dans les nuages, une maison qui s'envole, comme dans le dessin animé «Là-Haut». Alors, j'ai demandé aux architectes de trouver une manière de donner vie à ce rêve. Résultat, un restaurant perché à 14 mètres de haut, entouré d'un nuage d'eau créé par des brumisateurs, auquel on accède grâce à un ascenseur. Durant la montée, celui-ci permet aussi de voir les cuisines, dont les fenêtres donnent sur l'extérieur. On fera coucou aux clients (rires).

 

Autre chose qui peut surprendre pour un chef de cuisine de renommée internationale, vous avez demandé l'avis à vos suiveurs sur Instagram quant au nom de ce bistrot. Pourquoi cela?

Ces personnes me suivent assidûment, elles commentent et partagent ce que je fais, et je trouvais normal de leur demander leurs avis. Pourquoi mon seul cerveau trouverait-il une meilleure idée que 600'000 cerveaux? (rires) Adolescent, j'aurais adoré que des chefs comme Pierre Gagnaire, par exemple, fasse cela. Vous imaginez, pouvoir proposer une idée de nom de restaurant pour un grand chef que vous suivez? C'est simplement génial.

 

Et vous en avez reçu beaucoup?

En 24 heures, la publication doit compter 3'000 commentaires, et beaucoup de gens proposent jusqu'à dix idées! Hier, peu après ma publication, mon téléphone n'arrêtait pas de sonner et de vibrer, je ne pouvais plus l'utiliser, j'ai dû l'éteindre! J'ai été tellement surpris de cet engouement. Nous pensons ouvrir les propositions durant dix jours avant de les étudier une par une.

 

Après tout ce que vous avez construit, vos projets à l'internationale, la reconnaissance que vous avez obtenue… Êtes-vous encore vraiment surpris de cela?

Ah, je le serai certainement toujours! Je n'arriverai jamais à m'y faire. C'est très abstrait, ces chiffres sur un écran. Ça veut dire quoi, 15 millions de vues sur une vidéos? Ça signifie que 15 millions de personnes l'ont vue, certes, mais on ne peut pas imaginer un tel nombre. C'est aussi pour cela que j'ai envie d'aller vers ces personnes, de leur donner de moi-même en étant naturel comme je l'ai toujours été: c'est pour rendre concret ce que les écrans ont magnifié, mais de manière abstraite. Et j'ai la chance d'avoir une communauté bienveillante, qui est un vrai soutien, et avec qui je communique en toute transparence.

 

Le restaurant Bayview à l'hôtel Président Wilson à Genève

 

Photos: Genève & Communication, Matthew Shaw