Au-delà du deuil, les projets. Le 5 mars 2017, Grégoire Antonin et Fabienne Zufferey ouvraient leur Nouvo Bourg. En un éclair, ils ont alors positionné l’historique bourg de Saillon sur la carte gastronomique de la Suisse. Ils ont gagné 15 points, puis 16. Aujourd’hui, fraîchement entré aux Grandes Tables de Suisse, le chef se bat contre le covid qui pèse sur son entreprise et qui a emporté son père. En attendant de rouvrir, il envisage l’avenir avec enthousiasme, détermination et… une nouvelle formule. Interview.
Le 5 mars 2017, vous ouvriez le Nouvo Bourg. Comment êtes-vous arrivé ici?
Le Nouvo Bourg, c’est un coup de cœur. Le propriétaire voulait rénover sa maison et cherchait un chef ambitieux. Après dix ans aux côtés de Didier de Courten, ce projet m’a tout de suite plu. Et en plus, j’ai eu la chance de participer aux travaux, de pouvoir faire mes propres choix d’aménagements.
Cinq ans après, qu’est-ce qui vous réjouit tous les jours dans la cuisine que vous avez conçue?
La plaque à 400°C est un vrai plus, pour une cuisson optimale des viandes et des poissons. C’est plus chaud et plus performant qu’une plancha. Et puis, le fait de disposer aussi bien de l’induction que du gaz permet de nuancer les cuissons.
Avec le recul, comment expliquez-vous votre succès dans ce nouveau restaurant?
Les guides et la presse nous ont tout de suite mis en lumière et ça a accéléré les choses. A ce titre, mon parcours est important: une expérience chez Didier de Courten suscite l’intérêt, même si nous n’avons jamais visé de nous lancer dans le même type de cuisine.
Avec 16 points au GaultMillau, quel est votre type de cuisine, alors?
Notre intention n’était ni la grande gastronomie, ni la cuisine de brasserie, mais la mise en valeur de beaux produits avec le savoir-faire appris. Cela dit, il faut un peu de temps pour s’affranchir des habitudes prises au fil des ans et prendre confiance en soi. Aujourd’hui j’ose créer mes propres plats.
Si vous deviez citer un plat qui illustre votre style, quel serait-il?
J’ai des origines italiennes et le risotto, par exemple, fait partie de mes spécialités. Aux asperges ou aux morilles, par exemple…
La saison des asperges va bientôt commencer, mais pour l’instant les restaurant restent fermés. Etes-vous frustré?
Si tout va bien, nous pourrons rouvrir en pleine saison des asperges! En attendant, la fermeture due au covid nous complique les choses financièrement, c’est évident. Elle nous donne par contre le temps de sortir et de skier, par exemple. Et surtout de réfléchir et d’élaborer des projets.
Quels projet ce temps de covid vous-a-t-il inspiré?
Je lance en ce moment une activité de chef à domicile, que je pense poursuivre tant que nous devrons rester fermés. Puis, à la réouverture, je vais changer de philosophie: il n’y aura plus de carte, mais trois menus, dont l’un sera entièrement végétarien. J’y ajouterai aussi des suggestions du moment.
Pourquoi ce changement de formule?
Pour garantir une parfaite fraîcheur et éviter de devoir jeter des aliments, nous devons mieux gérer les marchandises. Cela nous permettra aussi d’optimiser la gestion des coûts et d’avoir recours à des produits plus nobles sans augmenter les prix.
Après cinq ans, que retenez-vous de positif?
D’abord, l’enthousiasme de nos clients. Aujourd’hui ils sont nombreux à nous dire que, dès la réouverture, ils veulent être les premiers à revenir chez nous. Ça fait très plaisir. Et puis je réalise la chance que j’ai d’avoir ma compagne, Fabienne, qui me soutient depuis le début, qui s’investit et qui gère la cave: ce restaurant, c’est aussi un couple. Sans elle, tout ça serait impossible.
Et côté négatif?
Le fait d’avoir perdu mon père l’année passée, sans avoir pu lui dire qu’on avait remporté notre 16e point. Parce que mon père nous a toujours aidés au restaurant, comme ma mère continue à le faire. Et maintenant, à l’occasion des 5 ans, on aurait souhaité faire une petite fête pour marquer le coup. Pour le moment, c’est impossible, mais ce n’est que partie remise.