Vue étourdissante. Le Bellevue, le restaurant de l’Ecole hôtelière de Glion, est devenu la Maison Décotterd (deux restaurants et un bar lounge historique classé). Et à l’évidence, il reste dans le peloton de tête des plus belles tables d’Europe: la vue est tout simplement étourdissante, l’aménagement d’une parfaite élégance et le service d’une prévenance et d’une gentillesse exquises. Mais le ton a changé. Après le grand chic parisien (rendons hommage à Chantal Wittmann, maître d’hôtel MOF, qui avait ancré le Bellevue dans la sphère du service de très haut vol), place à la convivialité helvétique, authentique et cordiale d’une maison tenue par ses patrons, lui en cuisine, elle en salle.
Excellence locale. Comme elle le faisait au Pont de Brent, Stéphanie Décotterd attend les convives dès l’entrée. Et Stéphane passe en personne à la fin du repas faire le tour de toutes les tables, où il récolte des bouquets de compliments enthousiastes. Des compliments largement mérités. En particulier pour ces ravioles au vacherin fribourgeois. Le parfum de l'ache de montagne les devance. Puis elles arrivent, dressées avec art, avec une formidable émulsion au vacherin généreusement coiffée de truffe d’automne du Nord vaudois râpée. Un plat d’anthologie. Il succède à un véritable tableau gourmand: l’escabèche de perchettes du Léman. Les filets arrivent sur un miroir vert intense de persil-racine et de lierre terrestre, juchés sur une galette qui assure le croquant et coiffées de caviar osciètre.
On applaudit! Moins étonnant, mais remarquable en tout point, le chevreuil des crêtes du Jura se révèle d’une tendreté exquise, entouré de quelques chanterelles, d’un palet de chou rouge hérissé de fenouil confit et d’une épatante cuchaule sphérique farcie, comme le serait une boule de Berlin, de moutarde de Bénichon. On applaudit aussi la gourmandise fromagère (en option du plateau de fromages suisses): du Vacherin Mont-d’Or (le plat est servi dans la boîte en bois de ce fromage emblématique) voluptueusement chaud et coulant, agrémenté de pommes de terre grenailles et de chanterelles. Place ensuite au «Pâtissier de l’année», le virtuose Christophe Loeffel, qui propose cette pomme verte en sphère aérienne et en sorbet, à laquelle le cumin des prés vient donner la réplique avec une pertinence et une originalité éblouissantes.