Photos: Fabian Häfeli
Taquineries de famille. Giulio, 65 ans, Paolo, 63 ans, Dario, 34 ans, et Luca Bianchi, 32 ans, se retrouvent pour un shooting photo sur le site de Bianchi, à Zufikon (AG). Depuis 1881, l'entreprise, toujours en mains familiales, fournit viandes et poissons aux restaurants suisses. Les quatre Bianchi sont venus vêtus de blouses de travail avec le logo de l'entreprise, un homard rouge. En regardant d'un peu plus près, on constate que seuls les deux aînés ont des stylos à bille dépassant de leurs poches de poitrine. «C'est la preuve que nous travaillons un tout petit peu», plaisante Giulio en regardant son fils Dario et son neveu Luca. Ces derniers rient et prennent la blague avec calme. La taquinerie fait partie de l'ADN de la famille Bianchi.
(Grande photo ci-dessus, de g. à d.: Paolo, Dario, Giulio et Luca Bianchi)
Transformation numérique. En décembre 2021, Giulio et Paolo ont passé le relais à leurs fils. Si les deux juniors n'ont pas de stylo dans la poche, c'est aussi peut-être parce que l'entreprise traditionnelle a, sous leur impulsion, pris un virage numérique ces dernières années.
«Aucune envie». Que l'entreprise Bianchi passe entre les mains de la cinquième génération n'allait pas de soi. «J'ai commencé par donner un coup de main, mais je ne voulais rester qu'un an, se souvient Giulio. Je n'avais aucune envie.» «Nous n'avons jamais dit que nos enfants devaient reprendre l'entreprise, explique Giulio. Mais nous avons eu très tôt des discussions avec eux à ce sujet», explique Giulio. «Nous avons toujours voulu assurer la transition tant que nous étions encore en bonne santé. Mais ce n'est pas facile, il faut apprendre à lâcher prise.» Son frère ajoute: «Avec notre père, c'était différent. Du jour au lendemain, il a dit «J'arrête, c'est à vous de prendre le relais».»
24/7. Le travail est dur: «Je ne pouvais pas m'imaginer me lever à 4 heures du matin pour le reste de ma vie, explique Dario. Nous nous sommes donc donné le temps de découvrir l'entreprise avant de prendre notre décision.» Il ne leur a toutefois pas fallu longtemps: «Ce qu'il faut, c'est de la passion, ajoute Paolo. Sans cela, ça ne marche pas. Et il faut être prêt à travailler 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.»
Tonton, fiston. Avec Giulio et Paolo, les tâches étaient clairement réparties. L'aîné s'occupait du poisson, le cadet de la viande. Les fils suivent également cette répartition des tâches, chacun travaillant en binôme avec son oncle. «C'est comme cela que ça marche le mieux», explique Luca Bianchi. «Peut-être qu'il est plus facile de dire les choses à son neveu qu'à son fils», ajoute le père.
Minuit, l'heure de Peter Knogl. Paolo et Giulio ne sont pas tout à fait sortis de l'entreprise. Le second s'occupe des clients de longue date: «Peter Knogl des Trois Rois m'appelle toujours à minuit pour passer sa commande, au grand dam de ma femme», raconte Giulio. «Cette disponibilité permanente est un défi», dit Luca.
«Notre force». C'est justement le secret de Bianchi: la proximité avec le client. «Notre travail est à 80% opérationnel, explique Dario Bianchi. Les tâches de direction se font à midi.» Les nouveaux directeurs ne sont pas cantonnés à l'étage exécutif, mais œuvrent aussi dans la centrale téléphonique et de vente. «C'est notre force: nous donnons l'exemple et nos collaborateurs suivent le mouvement, ajoute Paolo. Peu importe que ce soit à la production ou à la vente.» Bianchi n'est pas seulement proche de ses clients, mais aussi de ses producteurs. «Notre succès, surtout depuis la dernière génération, réside dans le fait que nous sommes devenus des importateurs directs du monde entier et que nous avons renoncé, dans la mesure du possible, aux intermédiaires. Cela nous permet de toujours contrôler la qualité», assure Dario Bianchi.
Extra saucisses. Tout cela amène les clients de Bianchi à faire des demandes de plus en plus exotiques. «Quand Eric Vildgaard du Jordnær (Danemark) a cuisiné à St. Moritz, il avait des souhaits très explicites d'un producteur du nord de la Norvège, raconte Paolo. Nous ne le connaissions pas et avons dû tout organiser en un temps record. Finalement, tout s'est bien passé et il est devenu un nouveau producteur avec lequel nous travaillons toujours.» «Il en va de même pour l'Epicure au Dolder: les souhaits particuliers des stars mondiales qui y cuisinent sont un défi», ajoute Luca Bianchi. Enfin, il y a aussi les demandes complètement absurdes: «Le photographe Alberto Venzago m'a demandé de dénicher la plus grande huître du monde. Il voulait photographier sa muse dans sa baignoire, et l'huître devait cacher ses parties intimes», raconte Giulio. Chez Bianchi, on se plie décidément à toutes les demandes.