Texte: Urs Heller | Photos: Thomas Buchwalder

Recrutement en fonction du zodiaque. Sympathique et chaleureux, mais aussi têtu. Voilà comment on pourrait décrire le chef Peter Knogl (en grande photo ci-dessus). Ce Bavarois, qui habite depuis 17 ans à Riehen (BS) avec sa compagne Gwendolyn Koch, est un fervent défenseur de la gastronomie française classique. C'est aussi un chef qui n'accepte aucun compromis quand il s'agit de sa cuisine. Dans son restaurant bâlois, le Cheval Blanc (19/20), c'est lui qui décide de tout, y compris dans le choix de ses collaborateurs. Avec, parfois, des méthodes assez peu orthodoxes, puisque lors des entretiens d'embauche, le signe du zodiaque est souvent plus important que le CV. Avec une préférence pour les vierges, les cancers et les scorpions. «Il y a aujourd'hui quatre personnes qui sont du signe vierge dans l'équipe, ce qui est une bonne chose», assure le chef.

 

Un seul lui donne des ordres. Si la méthode n'est pas classique, elle est néanmoins efficace. Pour preuve, deux des postes les plus importants du restaurant sont occupés par les mêmes personnes depuis des années: Giuseppe Giliberti au service et Christoph Kokemoor à la cave. Au final, une seule personne peut donner des ordres au chef: Thomas Straumann, propriétaire du vénérable Grand Hôtel Les Trois Rois, magnifique palace historique posé sur le Rhin, dans lequel se trouve le restaurant Cheval Blanc. Et comme il est plutôt content de Peter Knogl, il lui laisse les mains libres.

Peter Knogl im Restaurant TroiRois 2024

Briefing à 11h30 précises: Peter Knogl informe l'équipe de service (de gauche à droite: Guiseppe Giliberti, Ursula Wuppermann, Lorenza Grosso, John Wuol Koan, Sultany Ahmed Naim, Christoph Kokemoor).

«Nous ne sommes pas les plus créatifs» Thomas Straumann a toutes les raisons d'être satisfait. En effet, depuis que La Liste a couronné Peter Knogl, le service des réservations ne sait plus où donner de la tête et il est difficile de trouver une table libre au Cheval Blanc. Alors, certes, La Liste honore avant tout les défenseurs de la cuisine française classique, mais cela correspond parfaitement aux goûts et aux envies de Peter Knogl. Le chef, 19/20 au GaultMillau et 3 étoiles Michelin, l'avoue d'ailleurs sans sourciller: «Certes, nous ne sommes peut-être pas les plus créatifs, mais nous avons une discipline de fer et nous recherchons sans cesse l'harmonie dans les goûts.»

 

Ils se sont fait spoiler! Il y a quelques semaines, les meilleurs cuisiniers ont été accueillis au Quai d'Orsay, à Paris. 400 chefs étaient réunis au Ministère des Affaires Etrangères, attendant avec impatience le classement 2025 de La Liste. Peter Knogl, lui, était serein. «Mon collègue Christian Bau et moi avions remarqué que l'on pouvait télécharger le classement une heure avant l'événement officiel, s'amuse encore le chef. Ce que nous avons évidemment fait, lors du déjeuner au Georges V qui précédait l'annonce des résultats.» Et quelle a été la réaction de ses confrères quand ils ont appris sa première place? «Amicale, assure Peter Knogl, même si les chefs français auraient sans doute préféré voir l'un des leurs au sommet.»

Peter Knogl im Restaurant TroiRois 2024: Seeigel

Oursin au champagne rosé et caviar.

Peter Knogl im Restaurant TroiRois 2024: Bretonische Auster

Huître de Bretagne au sudachi.

Jalapeno Espuma by Peter Knogl

Espuma de jalapeño et carabinero.

 

Œuvres d'art sur assiette. Pour se rendre compte de ce qu'est vraiment le meilleur restaurant du monde, nous avons testé le menu de l'Avent du Cheval Blanc. Le repas a commencé par une huître, une creuse de Bretagne, servie avec du citron sudachi et une tartelette au wagyu et au tapioca, ainsi qu'un macaron au foie gras, à l'orange et au garam masala. Dans une petite coupe d'un vert vif était adjoint un merveilleux espuma de piment jalapeño, qui cachait quelques crevettes carabineros. Ces amuse-bouches, ce sont des œuvres d'art, d'une légèreté, d'une fraîcheur et d'une élégance étonnantes. Mais la suite éblouit immédiatement: des oursins au champagne rosé et au caviar Impérial. Servis à la température parfaite, ils sont à tomber.

Il goûte tout mais perd du poids. Toutes les matières premières sont de qualité supérieure, à l'instar de cette truffe blanche d'Alba, qui s’est faite plutôt rare cette saison. Elle repose sur une polenta magique et des épinards à la crème. Le ris de veau est parfaitement rôti, relevé par une fantastique sauce hollandaise au yuzu. On poursuit avec un chevreuil de Styrie accompagné d'une des célèbres sauces qui ont fait la réputation de Peter Knogl: la Rouennaise, avec un peu de foie gras. Pour s'assurer de la qualité de chaque plat qui sort des cuisines, le chef les teste tous personnellement, chaque sauce, chaque accompagnement. «Je passe ma journée à goûter», s'amuse Peter Knogl. Qui a un petit secret pour garder la ligne: «Tous les vendredis, je me fais une injection d'Ozempic pour perdre du poids. Ce qui m'a d'ores et déjà permis de fondre de 12 kilos.» 

Une brasserie pas comme les autres. Si les lauriers ont été décernés au Cheval Blanc, il ne faudrait pas pour autant oublier la Brasserie de l'hôtel Les Trois Rois, où s'active le jeune cuisinier Thomas Schaefer, originaire de Saint-Louis, juste de l'autre côté de la frontière. Ce dernier a toujours rêvé de travailler aux Trois Rois, où il a grimpé tous les échelons. Après les clubs sandwichs pour le room service, il es devenu le chef d'une table récompensée d'un 15/20 au GaultMillau. Même ses escalopes viennoises sont exceptionnelles, préparées avec du faux-filet de veau, aplati à la main, et une chapelure réalisée avec une mie de pain blanc qui a séché pendant une semaine au four, le tout cuit dans de la graisse, ce qui donne une superbe texture croustillante. Et on ne parle pas des grandes et belles pièces de viande, une spécialité de la maison.

Brasserie Grandhotel Les Trois Rois Basel, 15.07.2020, Foto Lucia Hunziker Les Trois Rois, Brasserie, neugestaltete Brasserie, Urs Gschwend, Koch des Monats, Basel © Lucia Hunziker

Une autre adresse à recommander: la Brasserie des Trois Rois.

Changements en vue. Si la gastronomie des Trois Rois brille, le palace bâlois entame une mue. En effet, la vénérable maison est en train d'être transformée par les architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron, ce qui enthousiasme le directeur général, Mark Jacob. «Nous imaginons de nouvelles suites modernes et spacieuses, un espace bien-être d'inspiration japonaise et un troisième restaurant, qui va nous permettre de nous adresser à la nouvelle génération.» Si une petite partie des travaux ont été finalisés récemment, le reste devrait être terminé au plus tard pour Art Basel, en juin 2025, quand la ville rhénane devient, pour quelques jours, le centre mondial des arts.

 

Les Trois Rois à Bâle

 

Photos: Thomas Buchwalder, Lucia Hunziker