Marco Campanella, en hiver, vous travaillez à l’hôtel Tschuggen d'Arosa mais votre famille vit à Ascona, où vous êtes, en été, chef de La Brezza à l'Eden Roc. Comment faites-vous?
Je travaille du mercredi au dimanche soir à Arosa. Une fois la cuisine nettoyée, vers une heure du matin, nous rentrons au Tessin avec une partie de l'équipe. Quant à moi, je retrouve mon épouse Sara et ma fille Enola.
Il y a quand même presque trois heures de route entre les deux. Comment cela peut-il fonctionner sur le long terme ?
Je suis encore jeune, j'aime beaucoup mon métier et ma femme me soutient. Je vais donc continuer à faire l'aller-retour pendant quelque temps. En outre, cela me permet de consacrer le lundi entier à ma fille, et je ne consulte pratiquement jamais mon téléphone portable.
Au moins, votre retour au Tessin se fait dans des conditions confortables, puisque vous êtes devenu ambassadeur de la marque Mercedes-Benz.
Cette proposition a été le deuxième point fort de l’année 2024. Mercedes est vraiment une marque de qualité, qui a toujours de bonnes idées, et j'ai de très bons rapports avec les autres chefs qui étaient déjà ses ambassadeurs.
Et le premier point fort?
Clairement le dix-neuvième point décerné par GaultMillau et la distinction de «Cuisinier de l'année», que j'ai reçue à l'Eden Roc Ascona. C'était assez intense: nous attendions les résultats officiels quand l'un de mes cuisiniers a vérifié son téléphone portable. La breaking news avait déjà été publiée! On s'est tous pris dans les bras et on s'est mis à pleurer. Un moment d'émotion incroyable!
Quelles ont été les réactions?
Énormes. Nous avons reçu des dizaines de messages, de la part de nos clients mais aussi de collègues.
Vous êtes une star, et vous mettez pourtant toujours votre équipe en avant.
Six têtes valent mieux qu'une! Nous discutons de tout en équipe, chacun peut faire des propositions, et si cela correspond à notre concept, nous mettons l'idée en pratique. Pendant les vacances, entre la saison d'été et la saison d'hiver, nous faisons aussi régulièrement des réunions en ligne, pour discuter des prochains menus. Cette approche collégiale a fait ses preuves.
Les cuisiniers qui, comme vous, réussissent, ont moins de soucis de recrutement. Il y a toujours beaucoup de candidats qui se présentent?
Nous avons peu de changements dans la brigade. Cela dit, effectivement, si quelqu'un part, nous trouvons rapidement un remplaçant. Le nouveau venu ne doit pas nécessairement venir d'une table étoilée. Mais il doit impérativement pouvoir s'intégrer à l'équipe déjà en place.
Dans votre restaurant, vous faites feu de tout bois. Vos amuse-bouches sont de véritables œuvres d'art, vous proposez un menu classique et un menu végan. Je suis étonné que vous puissiez atteindre un tel niveau avec seulement six cuisiniers.
Nous atteignons nos limites, surtout lorsque les clients surfent entre les deux menus, ce qui ne nous arrange pas mais que je peux tout à fait comprendre. Je suppose que l'affluence sera encore plus grande ces prochain mois, conséquence du titre de «Cuisinier de l'année». Dans ce contexte, j'aimerais recruter un septième cuisinier pour compléter la brigade. C'est que nous ne voulons pas nous reposer sur nos lauriers. Au contraire, nous voulons encore accélérer le rythme.
Vous voyagez beaucoup pendant vos vacances, au Japon, aux Seychelles. Et en 2025, direction la Corée !
Les Seychelles, c'était des vacances en famille, et c'était génial. Par contre, quand je vais au Japon ou en Corée, c'est aussi pour me perfectionner. J'ai d’ailleurs beaucoup profité de mon séjour au Japon.
Mais pourquoi la Corée du Sud?
J'ai découvert la cuisine coréenne sur Netflix, et quelque chose m'étonne: ici, nous travaillons souvent pendant des jours sur nos sauces et nos réductions. Les Coréens, eux, jettent tout dans une grande casserole, laissent mijoter, et le résultat est grandiose. Je veux voir ça de mes propres yeux. En outre, comme toujours, ma femme et ma fille vont m'accompagner. Nous prévoyons un voyage de trois semaines. Cela me permet de joindre l'utile à l'agréable.
Et en 2024, quel a été votre plat préféré?
Du short-rib d'Ennetbürgen, dans le canton de Nidwald, recouvert par une fine tranche de Wagyu, élevé en plaine à Magadino, dans le canton du Tessin. Nous travaillons deux jours pour préparer la crème barbecue qui l'accompagne.
Et, finalement, où voulez-vous absolument aller manger en 2025 ?
Chez Silvio Germann au Mammertsberg, à Freidorf (18/20, TG) et chez Benoît Carcenat au Valrose, à Rougemont (18/20, VD). Deux merveilleux collègues.
>> Marco Campanella est notre «Cuisinier de l'année» 2025. En été, il travaille à l'Eden Roc, à Ascona, où il a été récompensé par un 19/20 pour son restaurant La Brezza. En hiver, il cuisine, dans le Swiss Deluxe Hotel Tschuggen à Arosa. La critique de cette table n'a pas encore été publiée. Le guide Michelin, quant à lui, décerne deux étoiles à chacun de ses restaurants.
Le restaurant La Brezza de l'Eden Roc à Ascona
Photos: Joan Minder, Roy Matter, Adrian Bretscher, Urs Homberger